Trois mois à peine après la parution du live « Trials & Errors », la bande de Jason Molina nous revient avec un toujours magnifique album country rock où les guitares disent tout des affres de l’existence dans une pudeur magnifique.
Avec ce second album studio de The Magnolia Electric Co, Jason Molina confirme que la page Songs:Ohia est définitivement tournée après 7 albums réalisés sous ce vocable. Si le nom change, l’esprit de meute demeure car notre homme règne, depuis le milieu des années 90, sur une famille de musiciens qui entrent et sortent, un peu à la manière de Palace. Toujours épaulé à la production par Steve Albini, notre homme tient là un groupe (originaire de Bloomington) en total osmose avec sa sensibilité artistique. Son Crazy Horse Band en quelque sorte, et ce n’est pas rien !
Au chapitre des bonnes nouvelles, ce disque confirme une orientation musicale toujours plus grave et plus dense dans un esprit classic-rock US teinté de couleurs mariachis et d’échos country. La voix chevrotante de Molina fait parfois fortement penser à celle de Will Oldham quand il jouait amplifié. Elle se balade en équilibre sur un fil prête à répondre aux saillies électriques des guitares ou bien à caresser des mélodies acoustiques plus apaisées avec le même frisson.
Molina signe des compositions très personnelles où pointe une forme de vulnérabilité émouvante. Sur « Hard to love a Men », qui sonne comme du grand Neil Young, Molina n’hésite pas à mettre son âme à nu. Mais l’homme sait aussi prêter la plume et le micro quand cela s’impose. La belle Jennie Benford s’en empare magnifiquement d’ailleurs en signant la très belle ballade « The Night Shift Lullaby », folksong lumineuse hantée par le fantôme de Sandy Denny.
Sur cette nouvelle page discographique, Molina affiche un peu plus ses ambitions d’auteur : parvenir à écrire des chansons intemporelles, capables de lui échapper et de vivre au-delà du répertoire de The Magnolia Electric Co. C’est peut-être cette poésie délicate et fragile, proche du genre Haiku que Molina affectionne particulièrement, qui lui permet d’échapper au carcan de la chronique sociale narrative. Pourtant « What Comes After The Blues » est aussi un disque qui s’inscrit dans une certaine filiation, celle du rock populaire américain du milieu des années 70 incarné par Bruce Springsteen, Neil Young, Bob Seger ou Tom Petty. On retrouve en effet, ce même lyrisme primitif, ce même éclat mélodique et cette faculté divine à faire naître des hymnes instantanés.
Entre blues et rock, entre sud profond et nord urbain, Molina trace une voie singulière à la manière d’un cow-boy lettré, amoureux de Chicago (« Leave The City ») et de son père spirituel Hank Williams (« NorthstarBlues »). Les chercheurs d’or ont fait long feu et pourtant, avec The Magnolia Electric Co, nous voici en présence d’une bien belle pépite.
-Lire également notre chronique de Songs : Ohia – The Magnolia Electric Co (2003)
-Le site officiel de Jason Molina
-Le site de Secretly Canadian