Revirement spectaculaire, le bidouillage hip-hop/folk de Why ? côtoie désormais le sourire psychédélique des Beach Boys. Du hip pop dérangé et dérangeant.


Si ses dernières semaines on n’a un peu moins entendu parler du gangsta-psyché du label Anticon, (Animal Collective semble en profiter pour se tirer la couverture du côté des médias spécialisés), nos sympathiques imposteurs hip hop sont plus actifs que jamais même, continuant à publier des disques à la fois intrigants et cohérents. En témoigne ce nouvel EP 8 titres de Why ? , retournement artistique le plus radical depuis celui de Dee Dee Ramone reconverti en rappeur à la fin des 80’s.

Why ? est au départ le jouet de Yoni Wolf (également intermittent chez cLOUDDEAD) auquel se sont greffés quelques collègues de label (Doseone, Doug Mc Diarmid). Après quelques eps et un premier album où régnait un sublime bazar hip-hop/noisy/folk/pouetpouet, on avait déjà remarqué que ce fils de rabbin avait des prédispositions pour les mélodies souveraines et alambiquées, ce qui le démarquait un peu de ses congénères comme Boom Bip, plus porté sur des drones de samples apocalyptiques.

Les déjà spectaculaires Oaklandazulasylum et The Early Witney EP, outre une science innée du raccordage de samples, nous plongeaient dans une ambiance moite et pesante, parfois égaillée par une guitare folk et sa voix nasillarde, sans jamais franchir le cap d’un format pop. Ce nouvel EP 8 titres, avant-goût du prochain album à venir en septembre Elephant Eyelash, ferait presque passer les travaux précédents pour des démos vulgaires tant son contenu est ici définitivement abouti.

Peut-être jusqu’ici complexé par son statut de bidouilleur, Wolf laisse enfin exploser ses fantasmes de mélodistes. Et il n’y va pas de main morte le bougre, certaines compositions (car ce sont des vraies chansons auquelles nous avons affaire) ne cachent clairement pas les bonnes vibrations des plages de la côte ouest. Sur les titres “Miss Ohio Nameless” et “Sanddolars”, on croirait la balnéaire famille Wilson venue prêter main forte à la réalisation d’une chapelle psychédélique, choeurs célestes à l’appui. Pantone Cyan pourrait être une chute de Smile, tellement sa structure décomposée laisse au fil des écoutes apparaître un vrai trésor de pop alambiquée.

Si ces pop songs sont empruntes d’une naïveté 60’s, il y plane pourtant un vent de folie, accentué par ce goût malsain pour scratches et samples étranges. Sur “Vice Principal”, on croirait entendre le pas terminé Daniel Johnston, assemblant d’une manière passionnée et dérangée des refrains sucrés sur une trame psychodélique.

“500 Fingernails”, au traitement bristolien, est le seul morceau à pencher complètement vers le côté de la force obscure. Pour le reste, on ne peut que constater les progrès bleuffants de la voix de Wolf qui n’hésite plus à chanter des mélodies de plus en plus sophistiquées. Lors des passages très pop, son timbre rappelle même Mike Love par moments (si, si, je vous jure). Placé au bout du sillon, “Mutant John”, essentiellement construit de guitares tel que le concevait Sebadoh voilà dix ans, laisserait entendre que Why ? vient de franchir la frontière du consortium indie-rock et que tout est possible dorénavant.

Un conseil d’ami : laissez tomber le pantouflard dernier album de Beck et ruez-vous sur ce EP magistral, véritable leçon de bidouillage pop maîtrisée. Désormais, Wolf nous a démontré qu’il peut tout faire, et qu’il est donc capable de tout.

-Le site su Anticon

-Lire également notre chronique de Oaklandazulasylum