Ce n’est pas un hasard si tant de groupes les citent – déjà – comme une référence du rock contemporain. Avec ce pavé de 77 minutes, ils rentrent dans l’histoire du rock, celle des chef-d’oeuvres.


The Mars Volta est souvent catalogué dans deux catégories : l’alternatif progressif (ka?) ou le 2d-punk (kékséksa?). Et autant une étiquette que l’autre énervent le mentor de la formation, le guitariste et producteur Omar Rodriguez-Lopez, qui voit The Mars Volta comme un bouillon de culture multi-dimensionnel (sic) pour lequel les mots émotionnel, progressif et punk vont de soi, tout comme album concept, terme souvent usité à propos de leurs – désormais deux – albums. C’est avec Cedric Bixler-Zavala qu’il fait évoluer The Mars Volta. Tous deux sont d’anciens de At The Drive In, groupe dont l’existence aura été écourtée par les limites de l’aire de jeu dans laquelle ils évoluaient. Ils décident de fusionner avec les gars de De Facto, groupe de dub. Après un EP, Tremulant, très remarqué, leur premier album en tant que Mars Volta (en référence à Fellini), De-Loused In The Comatorium, les propulsent déjà sur le devant de la scène alternative, non sans l’aide de Rick Rubin aux manettes, Flea (RHCP) à la basse et John Frusciante (RHCP) à la guitare. Le nombre de groupes qui citent Mars Volta comme la référence contemporaine à suivre frise l’unanimité : Fantômas, Therapy?, Saul Williams etc… Leurs prestations live enflammées et innovantes ont aussi assis leur réputation de grand groupe de scène, privilégiant l’impro comme dans le jazz. Leurs noms et leurs bouilles font le reste. Ils arrivent aujourd’hui avec un album encore plus risqué, et qui forcera probablement encore plus l’admiration de ses pairs : Frances The Mute, au livret arborant des photos superbes, dont les tenants et les aboutissants sont tout aussi passionnants.

Alors que De-Loused In The Comatorium évoluait dans un monde imaginaire, Frances the Mute est directement inspiré d’une histoire vraie, ou plutôt d’un journal intime. Celui que Jeremy Ward, ancien membre du groupe décédé (alors que De-Loused s’inspirait de la mort de Julio Venegas, autre proche du groupe), a trouvé dans une voiture et qui relate une quête semblable à la sienne : la recherche de ses vrais parents. Sorte d’itinéraire d’un enfant – pas très – gâté, les titres des morceaux renvoient aux noms évoqués dans le journal, qui sont autant de personnes rencontrées au gré des pages pour arriver aux parents biologiques. En somme, les deux albums font suite à la mort de quelqu’un mais n’en font pas pour autant leur fonds de commerce, mais plutôt leur point de départ. In fine, il s’agit plutôt d’un hymne aux valeurs de la famille au sens large, surtout à la lumière de notre époque si individualiste et à la recherche de repères.

Dès le premier titre, on est mis en garde : « vas a sufrir, son de veneno, salte de aqui… ». (tu vas souffrir, c’est du venin, sors d’ici…). Il va pourtant passer outre ces conseils et faire ce voyage spectaculaire… nous avec.

L’album s’écoute comme un tout, et c’est d’ailleurs son but initial. On se voit mal en effet séparer les titres les uns des autres, la trame étant alors cassée. En parlant de fil conducteur, il n’a pas seulement trait aux paroles mais aussi à toute la construction musicale et expérimentale qui les accompagne. Les titres s’emboîtent les uns dans les autres, et sont eux-mêmes déclinés en quatre ou cinq parties distinctes, comme les poupées russes. Dans l’idée – et dans une certaine mesure dans la forme aussi, avec des titres affichant 12 ou 13 minutes – on retrouve le modus operandi de groupes comme Yes : ça démarre par une petite guitare, ça termine de la même façon aussi, mais entre les deux on chavire entre moments enflammés et calmes. Plus logiquement, pas seulement par la construction mais par le son, on pensera à Pink Floyd, grâce à ces moments de prise de son autre que musicale (voitures qui passent, oiseaux ou sur Vade Mecum, des gémissements dignes d’un film, ou rappelant la période Animals…) et surtout à Led Zeppelin, au sens stricto sensu du jeu instrumental. Le batteur Jon Theodore a un style qui rappelle foutrement John Bonham, mais aussi Mike Bordin (Faith No More) (« Pour another Icepick »), quant à Omar Rodriguez-Lopez la ressemblance avec Jimmy Page est impressionnante dans le jeu guitaristique. Enfin, le chant de Cedric Bixler-Zavala a d’étranges consonances Plantesques. C’est aux titres les plus longs de Led Zep que l’on pense, dans la coulée de « Dazed and Confused », avec l’alternance d’explosions sonores, de pauses à la Faith No More où l’on attend l’explosion suivante, et, enfin, et surtout, les soli de guitare absolument géniaux.

« L’via L’vasquez » est un des summums du disque mais il serait plus correct de parler d’Himalaya tant on est ballotté entre sommets, faisant alterner du rock assez dur, chanté en espagnol (langue dans laquelle Cedric Bixler-Zavala excelle également), et passages de salsa très pro (à tel point qu’ils pourraient figurer dans n’importe quel BVSC, avec ses soli de guitare et de piano), au son nickel, chantés en anglais. En parlant de production, le premier essai de Rodriguez-Lopez (qui officie aussi derrière le label Gold standard Labs) semble plus que remporté haut la main. Ce mélange salsa-rock est en tout cas d’une efficacité redoutable. Les soli de guitare aussi, et pour cause, puisqu’il s’agit de John Frusciante, probablement l’un des plus grands guitaristes actuels avec Omar Rodriguez-Lopez, tous deux virtuoso s’il en est. Les trompettes sont présentes aussi sur d’autres morceaux : elles apportent une touche latino-jazz qui est assez plaisante et originale. Enfin, les grandes incursions, bidouillages et plages synthétiques d’un Isaiah Ikey Owens (la fin de « Widow » notamment) démontrent que le groupe est devenu le terrain d’expérimentations, le laboratoire sonore le plus passionnant du moment, loin de se cantonner au passé. Les cordes et les trompettes viennent emballer le tout (« Pisacis »), montrant leur facette grandiloquente, virant vers Mike Oldfield sur « Con Safo », puis à un Rage Against the Machine lorsqu’il murmure ses paroles. Ce foisonnement frise le génie. Sur « Tarantism », on revient à du Led Zep qui aurait rencontré un saxophone free jazz.

Des albums comme celui-ci, on sait qu’il n’y en a pas tant que ça. Ils poussent encore plus les limites de l’humainement faisable en la matière. The Mars Volta serait-il aux années 00 ce que Radiohead fut aux nineties qu’on ne serait point étonnés.

Le site de The Mars Volta
Un site des fans de mars volta
Un autre site de fans de mars volta
Le label Gold standard Labs