Avec des groupes comme Athlete et Doves, on savait que Coldplay avait éveillé des ambitions. X & Y, risque bien d’accentuer cette tendance « glum rock ». Voici un grand album.


Coldplay est bel et bien en train de se débarrasser de la très réductrice étiquette de « Radiohead du pauvre » pour devenir plutôt un U2 du nouveau millénaire. Avec un premier album vendu à 5 millions d’exemplaires et un deuxième vendu à 17 millions (!!!), Coldplay s’est retrouvé du jour au lendemain pour ainsi dire dans la cour des grands, avec tout ce que cela comporte (fric et notoriété comme avantages, et puis les inconvénients : harcèlement des médias et conséquences sur la vie privée, tentation de se la couler douce et de prendre la grosse tête, justification sans cesse de ses faits et gestes – dernièrement, sa participation au très critiqué Band Aid 2…). L’engagement du groupe pour le Fair Trade, le mariage de Chris Martin avec Gwyneth Paltrow puis sa paternité n’ont évidemment rien changé à une tranquillité physique et psychique, voire émotionnelle…

Le phénoménal succès connu dès le deuxième album (même Radiohead ou U2 ont attendu un peu plus longtemps) a, disent-ils, presque eu raison du groupe, sans pour autant avoir besoin (encore) d’un coach pour faire une psychothérapie comme Metallica. La routine et la facilité avaient remplacé la motivation et la complicité. Enfin, la pression de leur maison de disques, Parlophone/EMI (la même que Radiohead), qui comptait sur cette troisième galette (et celle de Gorillaz) pour assouvir les comptes annuels a du revoir ses échéances (dans le négatif). Mais disons que tout cela est secondaire : le jour où l’artistique et le commercial seront sur la même longueur d’ondes, on aura des soucis à se faire (oui, on peut déjà s’en faire lorsqu’on voit la tendance depuis une quinzaine d’années qui voit de gros patrons issus du pharmaceutique prendre les amarres des maisons de disque – à ce propos, Oasis déclare que le dernier album serait le dernier issu sur une maison de disques…). A voir.

Après toutes ces considérations qui plantent le décor et expliquent l’environnement dans lequel Coldplay a enfanté l’album que voici, intéressons-nous un peu à la valeur artistique de X & Y, titre supposé évoquer la précision mathématique, et donc aussi ce goût qu’ils ont pour tout ce qui est scientifique (regardez les pochettes et les titres…). La relativité, voilà le maître-mot utilisé par Chris Martin dans les interviews, avec, en porte-drapeaux de sa pensée :  » il y a encore 5.9 milliards d’humains qui n’en ont rien à carrer de Coldplay ». Oui, c’est en effet une façon de voir les choses.

Les premières écoutes ne sont pas les plus convaincantes. Moins évident que son prédécesseur, aucun single ne semble sortir du lot, ce qui, en règle générale, augure d’un bon album. Puis, c’est leur gros son à guitares qui frappe l’esprit : on pense, en vrac, à U2, Echo & the Bunnymen (référence que Chris Martin a toujours revendiqué). Dès le deuxième couplet de « Square one », la manière de faire « épique » à la Bono & co est là : guitare spatiale, basse dénuée de soul qui soutien une batterie qui martèle. C’est particulièrement frappant sur « White shadows » ou « Low ».

Obsédé par la mort, l’amour et le questionnement sur la vie, les paroles de Chris Martin projettent une philosophie qui se cherche constamment, dans un questionnement incessant. « What if » est à ce propos illustratif de son état d’esprit : « What if you decide that you don’t want me there by your side, that you don’t want me there in your life« . Jamais ne prendre quoi que ce soit pour un fait acquis. Ou encore : « every step that you take could be your biggest mistake« . Les paroles parlent à chacun de nous : ‘when you try your best but you don’t succeed, when you get what you want but not what you need, when you feel so tired you can’t sleep » sur « Fix you ». Enfin, sur « Talk », « I’m so scared about he future and i want to talk to you« .

La production est une véritable prouesse, extrêmement soignée (dix huit mois de gestation, huit studios distincts). Les arpèges de Jonny Buckland y sont magnifiquement mis en valeur sur plusieurs titres, donnant à l’ensemble cette magie déjà présente sur Parachutes et A Rush of Blood to the Head. Coldplay excelle toujours aussi fort dans les ballades sirupeuses (il y en a cependant moins que sur les opus précédents), avec la voix de Martin qui maîtrise les aigus avec une émotion à fleur de peau, et son jeu de piano toujours aussi touchant. Un clin d’oeil sur l’album : le riff sur « Talk » a été emprunté à Kraftwerk (« Computer love »), qu’ils déclarent avoir écouté ces deux dernières années, aux côtés de Depeche Mode, Brian Eno, Bob Marley ou Pink Floyd. On ne les retrouve cependant pas musicalement sur le disque, sauf peut-être ces derniers sur « Twisted Logic ». Enfin, « X & Y » et « Speed of sound » recueillent ce qu’ils ont fait de mieux par le passé, en plus exacerbé. Coldplay a mûri, Coldplay est là pour durer.