Jesse D. Vernon, leader de Morning Star, ne fait pas mentir le titre de son troisième album par les revirements incessants qu’il pratique entre les genres. Plaisant.
Jesse D. Vernon est sans doute un être rare, cultivant à part son génie musical et son univers tendrement décalé. Avec « The Opposite Is True », ce natif de Bristol tord le cou au cliché du musicien névrosé, abonné à la mélancolie d’une ville de fond d’estuaire pour laisser éclater sa joie de vivre. Avec Morning Star le soleil se lève sur Bristol, la journée s’annonce remplie de mélodies lumineuses et loufoques. On sent l’homme plus épanoui que jamais au sein de sa propre formation à géométrie variable. Prêt à toutes les audaces même. Après une formation classique (piano, violon), et diverses expériences de groupe (gros rock psyché avec « Moonflowers », musique electro improvisée avec « Invisible Pairs of Hands »), l’aventure solo se révèle libératrice pour cet artiste au talent mélodique hors pair, auteur de deux premiers albums inclassable (Morning Star en 1999 et My Place in the Dust en 2001).
Pour ce troisième opus, notre lutin malicieux s’est adjoint à la production Benoît Rault de Ben’s Symphonic Orchestra et au mixage de F.Lor (Yann Tiersen, Married Monk…). Ensemble, ils ont bâti un disque hybride où s’entremêlent chaleureusement psychédélisme, pop, folk, bossa, cajun, soul laid-back sur des voix caressantes (la sienne et celles de ses choristes féminines). Bref, un joyeux télescopage de genres, à la fois surréaliste et homogène, qui regarde le passé avec délectation tout en sonnant actuel.
Pour les références, il n’y a qu’à se servir : l’intro psyché « Black Swan » est millésimée période « Sergent Pepper’s Lonely Heart’s Club Band » tout comme l’outro cajun « Going Home », dont Lennon aurait pu s’emparer avec jubilation. Les choeurs féminins de « Sunbeam » et de « The Opposite Is True » rappellent la pop élégante de Black Box Recorder et son orfèvre Luke Haines, tandis que « The Invisible Man » nargue le Velvet Underground. « The Cuckoo », puise dans le répertoire anglais sans parvenir à dépasser la version de Pentangle, malgré son final mélancolique à la Portishead. Enfin, le titre instrumental « Newt Love » s’incline respectueusement vers Brian Wilson et ses mélodies sous LSD.
Ce disque patchwork, plein comme un oeuf, alterne entre essentiel et anecdotique, introspection et euphorie, à l’image du superbe « Breaking Through A Wave », morceau majeur, aux antipodes de « Great Day », ravissante idiotie qu’on déguste comme un bonbon acidulé. « The Opposite Is True » résume jusque dans ses scories le portrait d’un artiste bouillonnant et versatile, à qui il manque parfois un peu de simplicité pour émouvoir au-delà des savantes démonstrations.
-Le site du label Microbe