Partisans du surplace valeureux, la famille Radar signe encore une fois un disque de folk mélancolique immuable à souhait. Qualité singulière, on peut lire et relire ces pages sans jamais les écorner.
Voilà déjà six ans, le trio de Los Angeles Radar Bros nous avait pourtant ensorcelé avec son sublime second album, The Singing Hatchet. Trimballés depuis de label en label à chaque nouvelle livraison (cette fois sur Merge, un des meilleurs refuges américains, distribué parcimonieusement en France), les Radar Brothers n’ont jamais vraiment percé et ce malgré un soutien critique fidèle et bien souvent unanime. Pour expliquer ce malentendu, peut-être se sont-ils fait à l’époque couper l’herbe sous le pied par Grandaddy et leur magnum opus The Sophtware Slump ? Le raccourci serait tout de même trop simple… S’il est entendu que Jason Lytle possède un don pour trousser des mélodies stellaires qui font mouche, ce serait négliger le talent de Jim Putnam, sans pareil pour dépeindre des ambiances bucoliques.
La cuvée 2005 des Radar Bros est toujours d’une tenue exemplaire, et pourtant, chroniquer un de leur opus relève du douloureux exercice de la redite. Et pour cause, ce quatrième méfait ressemble en tout point à ses deux prédécesseurs. Peu de choses ont changé depuis que nous les avons quittés voilà trois ans avec le déjà impeccable And The Surrounding Mountains. La voix de Jim Putnam, douce et engourdie, semble figée dans le formole, au même titre que ses trames et textures sonores. C’est à se demander si nos trois radieux compagnons ne se sont pas contentés de passer un coup de plumeau sur leurs instruments. On pourrait même pousser le bouchon un peu plus loin : si l’on est un peu distrait et amené à écouter leurs trois derniers albums sur la chaîne Hi-Fi en mode « Random », on serait bien embarrassé de répondre sur quel disque figure tel morceau…
Pourtant, des disques des Radar Brothers émane une beauté contemplative tout à fait envoûtante. La vue de leur disque au rayon import ne fait toujours qu’un tour de sang, et s’impose comme une acquisition vitale. Maîtres des ambiances surannées, leur univers les rapproche d’un Pink Floyd qui se serait laissé aller à composer des folk songs rurales. Les soins sont surtout portés ici sur la texture, exécutée d’une manière limite amorphe, même si les mélodies demeurent bien présentes en filigrane. Si l’on était un peu taquin, on pourrait avancer que ce parti pris immuable des Radar Bros est le prix à payer pour ne pas sombrer dans la boursouflure d’un Mercury Rev. Mais on n’est pas comme ça, vous pensez bien…
Signe des grand disques insensibles à l’horloge du temps, The Fallen leaf pages s’écoute avec un plaisir croissant à chaque nouvelle écoute. Peut-être un brin moins lumineux que The Surrounding Mountains (mais on n’ose pas l’écouter au risque de s’emmêler les pinceaux), le sens de la dramaturgie et de la mise en forme ne s’est en aucun cas écaillé, comme le démontre le magistral et lancinant « Breathing Again ». Sur fond de paroles morbides, Radar Bros se plait à jouer sur les contrastes en déployant quelques touches de Mellotron et autres effets psyché bien acides (“Like an ant Floating in Milk”, “Papillon”, “Faces of The Damned”). “Is That Blood”, où Putnam semble avoir appuyé sur une pédale distorsion par mégarde, n’enlève pas son caractère planant pour autant. Radar Bros était, est, et restera donc indéfectible.
-Le site de Merge Records
-Lire notre chronique de The Surrouding Mountains