Avec pour leitmotiv « puissance et déflagration », ce trio japonais sans concession mélange post-rock, doom, Kraut-rock et riffs stoogiens. Bienvenue dans le chaos sonique de Boris.
Vous est-il déjà arrivé de faire l’acquisition d’un disque uniquement pour sa pochette, un coup de foudre sans même connaître le groupe ni d’Eve ni D’Adam ? L’occasion est rare en ce qui me concerne, mais l’expérience s’est chaque fois avérée heureuse : Red House Painters, Shins, Moose, Espers et quelques autres illustrations du label Flying Nun… Pour un fouineur de bacs à soldes, lorsque l’esthétique d’un disque inopiné rentre parfaitement en adéquation avec son contenu musical, il s’en dégage un sentiment unique d’avoir fait l’acquisition du saint Graal… Hum.. Hum…. reprenons nos esprits.
Admettons que la couverture du nouvel opus de Boris, pourrait rentrer dans ce cadre, un pastiche irrévérencieux du Bryter Layter de Nick Drake. La guitare acoustique est remplacée par une imposante électrique double manche, sans oublier la disparition des shoes compensées du folksinger nettement plus funky que celles nouvelles visiblement fatiguées. Néanmoins Cette couverture est une véritable déclaration d’intention, le ton étant en adéquation parfaite avec son contenu musical. La puissance d’une guitare électrique arrogante brandit sur un disque « culte » laisse entrevoir un je ne sais quoi de pertinent, intrigant et spectaculaire à se mettre sous la dent.
A ce stade là, Okuma No Uta peut même se revendiquer de manifeste rock, tant la puissance qui se dégage de ce disque stupéfait. En activité depuis plus de dix ans, Boris est un trio japonais qui n’en est pas à ses premiers faits d’arme. Le guitariste Wata, la bassiste Takeshi, et le chanteur/batteur Atsuo traînent derrière eux une bonne poignée d’albums où rock transcendantal et bruit blanc font bon ménage. En Europe et aux Etats-Unis, il aura fallu attendre 2001 pour que le label Californien Southern Lord réédite ces premiers méfaits, la plupart épuisés.
De leur nom emprunté à une chanson des Melvins, Boris combine post-rock métallique et effusion stoogienne au gré de ses albums. Leur puissance, comparable aux Comets on Fire, s’étire souvent sur les chansons de manière spectaculaire. “Okuma No Uta” (quelqu’un fait du Japonais dans la salle ?) se divise en six sections, dressant un éventail des styles déjà explorés tout au long d’une discographie anarchique : des instants rock n’roll apocalyptiques aux pérégrinations plus expérimentales. C’est dans ces moments là que Boris se révèle le plus intéressant. Cette noirceur les rapprocherait du folk/psyché du collectif japonais Acid Mother Temple, le larsen en guise de file conducteur.
“Introduction » placé comme il se doit en tête, est une ode à l’irradiation : neuf minutes de guitares brûlantes voire consumées aux confins du post-rock et Kraftwerk. Très impressionnant, de même que la puissance qui s’en dégage n’a pas besoin de batterie pour élever son orgie saturée. Autre pavé échelonné sur 12 minutes, “Naki Kyoku” infiltre d’abord une mélancolie claire, puis s’immerge lentement dans un acid rock aux incantations réveillant le Lizard de The Soft Parade. Pour recentrer le propos, le disque est bousculé par quelques hymnes rock n’roll brefs et intenses, diabolisés par des riffs crasseux, traversés de hurlements possédés (en japonais, mais franchement on ne voit pas la différence avec l’anglo-saxon). Comme le veut la tradition, le disque se clôt sur un vacarme impitoyable n’ayant rien à envier au “L.A Blues” des Stooges.
Gardien d’un rock sans concession, Boris répand dans son manifeste sonique un parfum d’ultime.
Le site de Boris sur le label Southern