Huit ans après Le phare, Yann Tiersen revient à Ouessant pour enregistrer son nouvel album. Les retrouvailles célèbre la beauté sauvage de l’île et résonne comme un retour à un son rêche et une musique quelque peu dépouillée de ses artifices ornementaux.


On ne dira jamais assez combien l’album conçu avec Shannon Wright a permis à Yann Tiersen d’insuffler un nouveau souffle à sa musique. Aujourd’hui plus directes et plus brutes, ses chansons ont retrouvé le désordre qu’elle suscite en concert. Libéré du poids orchestral qui rend l’atmosphère parfois un peu trop pesante, Les retrouvailles se veut à l’image du lieu d’enregistrement, l’île d’Ouessant : sauvage, sinueux et esseulé. Le mot solitaire pourrait en effet bien caractériser le breton, mais si celui-ci est connu pour composer seul toutes les parties musicales, ses nouvelles chansons ont laissé la porte ouverte aux invités. Lorsqu’il donne carte blanche à ses amis la patte Tiersen prend toute son ampleur. Rappelons-nous sa Black Session au TNB de Rennes en 1998 ou plus récemment l’album L’absente qui oeuvrait pour des interprétations majestueuses servies par des arrangements tout en nuance. En frottant sa musique au contact de celle d’autres artistes, le compositeur oublie ses recettes bien digérées pour faire face à des motifs bigarrés d’une grande richesse harmonique.

Apportant leur aura aux compositions qui leur étaient réservées, Liz Fraser tout comme Stuart Staples tirent la couverture musicale vers eux. Sur « Kala » et « Mary » l’ex Cocteau Twins investit les chansons de son phrasé si particulier, alors que sur « A secret place » le chanteur des Tindersticks inspiré par un choeur féminin donne de la profondeur et un tempo volubile. Complice depuis quelques années déjà Dominique A dirige les débats sur « Le jour de l’ouverture », entre un Miossec peu disert et un Tiersen réservé. Les deux timides poussent ce dialogue à trois vers une regrettable retenue. On aurait aimé un peu plus d’ardeur et de folie entre ces échanges qui sur le papier avaient tout pour plaire. Autre demi déception, le titre avec Jane Birkin, « Plus d’hiver », qui semble avoir souffert du manque d’expression de la chanteuse trop accrochée à la direction du maestro pour imposer réellement son jeu. Pour une chanson à connotation politique, la voix évocatrice de Claire Pichet aurait trouvé tout son sens.

Outre ces quelques moments faibles, on retient de l’album Les retrouvailles une dynamique qui fait la part belle aux basses et aux guitares. Bien sûr la touche Tiersen est reconnaissable comme sur les titres « A ceux qui sont malades par mer calme », « La veillée », ou « 7:PM » qui s’adonnent à une valse bercée par un accordéon ou une ballade au piano. La mélancolie est toujours présente mais n’est plus portée par les habituels instruments à vents. La guitare rend la rythmique enlevée, le son rêche. Faut-il comprendre le titre de l’album comme un retour à une création originelle ? Ce qui est sûr c’est que le disque penche du côté d’une famille rock et montre à ceux qui avaient trop vite assis son auteur dans le confort que ce dernier reste bien écorché.

Témoin de l’univers insoumis de Tiersen, Aurélie Du Boys s’immisce dans l’intimité de ce dernier et capture les moments d’égarement et de concentration lors des sessions d’enregistrement. Proposé en bonus dvd, ce documentaire sur l’élaboration de l’album privilégie les tranches de vie et de complicité entre l’auteur et son preneur de son. S’appuyant sur cette part d’humanité qui fait souvent défaut aux habituels making of, La traversée se regarde comme un film qui mène les protagonistes de Ouessant à Brest en passant par Paris et Londres. En visionnant le dvd, hormis les étapes de la création retranscrites, on en apprend beaucoup sur diverses coutumes locales comme la chasse au violon ou la pétanque ouessantine. Ces minutes de détente communautaire passées, une place de choix est réservée aux nombreuses chansons jusqu’alors inédites. Le plus dur pour le productif Tiersen est de faire le tri dans ses multiples compositions.

Depuis l’album Le phare, on savait le breton séduit par l’île. En revenant sur le site de ses premiers amours, l’inspiration ne pouvait être qu’au rendez-vous. Décidément Les retrouvailles porte bien son nom.

-Le site de Labels