Après quelques égarements technoïdes, le père Mould revient à ce fameux argot rock tendu et vicelard qui a tant assis sa réputation. Un dépoussiérage de manche constitué d’un alliage inoxydable : puissance sonique et tristesse mélodique.


Cette galette là… dire qu’on guettait scrupuleusement sa sortie – le grand retour aux affaires rock de Bob Mould, Yalla ! – relève du doux euphémisme. Surtout depuis ce goût amer laissé en travers de la gorge par son précédent opus, Modulate (2002), essai raté de reconversion électro-rock. Un véritable choc, Bob Mould, le padre du rock underground US, nous avait habitué à un perfectionnisme dont on avait bien du mal à se passer. Essuyons nos larmes, Bobby est de retour ! DallAaaaaaaaas, ton univers impitoyableuuuuuux.

Suite à cet album difficile (pour ne pas dire pénible), l’ancienne figure de Hüsker Dü et Sugar a mis un temps fou à réémerger, plus vraiment sûr de rien, rangeant pour la première fois sa guitare dans l’étui après plus de 25 ans de bons et loyaux services voués à la cause rock. On l’avoue sans mal, l’idée de perdre un guitariste et compositeur de cette trempe, maître du power trio exacerbé, faisait mal au coeur. L’icône queer du rock indé US n’a pourtant pas chômé depuis, se produisant une fois par semaine dans un club de Washington derrière les… platines, où il se plait à mixer des relectures Drum n’Bass de ses classiques hüskerdiens (?!). Il a également produit quelques remix – notamment un pour Interpol – et est devenu un fervent militant de la cause gay.

A juger pas ses récents états de service Dance (oui… ça fait mal), rien n’était moins sûr qu’un retour aux décibels et joyeuses déflagrations noisy/melody … Et puis voilà quelques mois, la rumeur s’est répandue qu’il fricotait avec Brendan Canty, marteleur martial de Fugazi, actuellement en vacances prolongées de son groupe. De quoi ranimer la flamme des fans délaissés et annoncer un retour explosif.

Excellente nouvelle, Body Of Song renoue bel et bien avec la verve rock mélodique antérieure à Modulate, celle de l’excellent The Last Dog & Pony Show en 1998, absente depuis un bon septennat mine de rien. Appuyé par quelques vieilles connaissances Matt Hammon (batteur sur The Last Dog…), David Barbe (bassiste coéquipier du trio nucléaire Sugar), et bien sûr le phénomènal Brendan Canty, ce sixième opus respire l’engouement général et le souci d’en découdre à nouveau. Ce « corps de chanson » permet également de tenter quelques opérations liftings de saison, en incorporant un peu d’électronique – avec plus ou moins de bonheur…

Rituelle cérémonie d’accueil sur ses disques, “Circles” ouvre la marche magistralement à la manière de l’illustre “Anymore Time Between”. Une mélodie sensible propulsée par des guitares virevoltantes. Le bougre n’a pas encore les doigts engourdis. Côté bruit blanc, l’âge n’a pas non plus eu raison de sa colère, en témoigne “Best Thing” (du pur Sugar), “Paralysed”, ou encore “Underneath Days” une bien belle secousse hardcore.

On voguerait dans le meilleur des mondes s’il n’y avait pas quelques erreurs de parcours, notamment l’embourbé “Light Love Hope”, une sauce dance-rock indigeste affublée de paroles baba-cool, déconcertantes pour l’auteur de Zen Arcade. Et puis, il y a ce maudit vocodeur… effet vocal complètement gadget qui parasite le bon déroulement de trois ou quatre chansons. Mr Mould, pour le bien de la communauté, veillez la prochaine fois à ranger dans le placard cet objet de malheur !

Heureusement, le nouveau terrain de jeu electro de DJ Mould n’est pas entièrement voué à être jeté aux ordures et recèle même quelques bons moments, notamment “Always Tomorrow”, une très jolie promenade atmosphérique et envoûtante. Les textures employées sont nettement plus subtiles que sur l’opus précédent, à l’instar de « Days of Rain”, joyau écorché du disque, embellit par le cello d’Amy Domingues (Garland Of Hours). Il y aussi de superbes parties intimistes rangées à la fin du disque, pour ceux qui seront tentés de sortir les briquets (« Bobby revient ! »).

Si vous êtes l’heureux possesseur d’un Ipod, supprimez la chanson n°2 et tout se déroulera comme sur des roulettes. Back to The Bobby (Brown) Mould !!!!!!!

-Lire également notre chronique de Modulate (2002)

-Le blog de Bob Mould