Avec Rain, Paal Flaata effectue le virage de l’après Midnight Choir avec succès. Parrainé par un songwriting digne du meilleur de l’americana, ce deuxième opus sous son nom s’impose par sa densité. Le relais est assuré.


Encensé par la presse, acclamé par le public scandinave, Midnight Choir est incontestablement l’un des fleurons de la scène pop rock norvégienne. Aujourd’hui divisé, le trio d’Oslo a mis la clé sous la porte. Entre un best of posthume, qui ne devrait pas tarder à être disponible chez nous, et l’album solo de Al deLoner à venir, Paal Flaata présente son nouvel opus. Le chanteur du défunt choeur de minuit n’en est pas à son coup d’essai, puisque en 2002 il nous avait déjà gratifié d’un premier jet sous le nom de In demand. Dans la même lignée que son prédécesseur, Rain fait référence à tout un pan de l’americana qui a influencé son auteur. Par contre si In Demand était un disque dédié aux songwriters Mickey Newbury, Townes Van Zandt, Tony Joe White et Charlie Rich, ici il est à noter qu’une seule reprise figure au tracklisting. Une fois encore Mickey Newbury, pour qui notre homme voue une grande admiration, est à l’honneur sur une relecture de « Bless us all ».

Concentré de folk, country ou rock, ce deuxième disque se laisse écouter avec délectation. Le crooner Paal Flaata s’en donne à coeur joie pour revisiter à sa manière les musiques dont il est friand. S’appuyant sur sa voix grave dont l’intonation se situe entre un Johnny Cash et un Roy Orbison, les chansons portent en elles l’émotion avec laquelle le chanteur s’évertue à retranscrire les mots du parolier. Laissée à la paire Christian NystrømBen Lorentzen qui signent la quasi totalité des titres, l’écriture n’a jamais été le point fort du norvégien. Pourtant et contrairement à son habitude, Flaata prend part pour la première fois aux compositions. Ainsi, il a notamment co-écrit les musiques de « Love Trash », « It will all come down » (peut être la plus belle chanson de l’album), « Life down here in hell » et « Alabaster jar ». En guest star, Alexandra Bräten fait une apparition remarquée pour un duo tout en velours sur « Right next to nothing ». Une ballade émouvante qui peut faire penser au « Where the wild roses grow » de Nick Cave et Kylie Minogue. Toujours au féminin, les choeurs des trois choristes dont la présence discrète mais influente met en valeur le chant sépulcral de leur leader et enlumine les chansons « Overflow », « Isabella » et « Don’t you walk away ».

Même si Rain honore de la plus belle manière qu’il soit les ballades au romantisme mélancolique, l’âme du disque reste bien le rock. Un rock qui n’est jamais emphatique, ni ne verse encore moins dans le mélo, mais qui a le bon ton de ne s’appuyer que sur un piano ou une guitare pour rendre l’ambiance poignante. Point d’orchestre à cordes pour arracher les larmes à l’auditeur, l’harmonie entre les instruments piano-guitare-basse-batterie et la suavité vocale suffisent pour rendre l’album bouleversant. Comme pour rendre hommage au rock à guitares, Paal Flaata s’entiche de l’énervé « Wolf’s eyes ». Toutes griffes sortantes, la rythmique rugit et impose une allure entraînante.

Ce deuxième enregistrement solo a du caractère et nous laisse à penser que même avec une voix imposante, Paal Flaata a la générosité et le génie, que ce soit avec Midnight Choir ou seul à présent, de savoir s’entourer des bons compositeurs qui le valorisent. Servi par des mélodies inspirées ce nouvel album salue fidèlement le meilleur du rock américain. Chaque composition souffle comme un coeur à l’effort avec autant de force que de fragilité. A la fois lumineux et inquiétant, Rain a bien sa place au panthéon du rock ténébreux.

-Le site de Paal Flaata