Pour ceux qui ne connaissent pas New York City, Fun Lovin Criminals se propose de vous instruire tout en vous divertissant. If America’s a tit, then New York is the nipple…
Le retour des Fun Lovin Criminals provoque probablement chez certains des sourires. C’est vrai qu’on y croyait plus des masses ici non plus, pensant – à tort – que leur musique tournait en rond. C’était oublier bien vite leur passé, fort de cinq albums (sans compter celui-ci). Ces new yorkais de souche ont formé les FLC en 1993. C’est Huey, le chanteur et guitariste, qui a tout démarré avec Fast, multi-instrumentiste doué. Ils sont très vite repérés par un agent A & R (artists & repertoir) d’EMI qui les signe rapidement, croyant avoir trouvé la poule aux oeufs d’or… En réalité, ils se feront remarquer par leur fainéantise et leur goût immodéré des poules (…), et, ceci amenant souvent cela, des factures de food & drink colossales. C’est en 1995 que sort – quand même – leur premier album (Come find yourself), avec un single béton, le très Pulp Fictioneque « Scooby Snacks », et, déjà, un « King of New York » (non, on ne pourra pas les taxer d’opportunisme quant à leur amour pour the city). L’humour et les rythmes chauds deviennent leur marque de fabrique, distillant blues, jazz, funk et salsa (qui prend donc). Jusqu’ici, les autres albums seront moins remarqués, mais citons le très lounge Mimosa, Loco et Welcome to Poppy’s. Voilà pour la partie rappel.
Ne plus compter sur les FLC, donc, c’était oublier un autre fait essentiel : comme beaucoup d’autres artistes issus de cette ville, les new-yorkais ont tous quelque chose à dire (et encore plus aujourd’hui qu’hier). Partant de la pensée d’Alain Minc stipulant que les Etats-Unis ne sont rien d’autre que le pays monde, brassant – comme le dit l’expression – la planète de A à Z, on peut à notre tour affirmer sans craindre de faire une grossière erreur que New York est la ville monde. De là à dire que les Fun Lovin Criminals sont la Big apple, il n’y a qu’un pas.
Les amoureux de cette ville de 24 millions d’âmes (plus de deux fois l’Ile de France ou la Belgique…) ne manquent pas : de Woody Allen (scrutez un peu sa filmographie) à Paul Auster (scrutez un peu sa bibliographie) en passant par Spiegelman (scrutez un peu sa dernière bande dessinée), tous les arts ont contribué à déclarer, au fil des oeuvres, la passion que suscite cette ville que l’on dit la plus européenne d’Amérique. Le rock est loin d’être en reste : depuis le Velvet Underground, en passant par les Talking Heads ou les Ramones et le fameux café CBGB, jusqu’au rap (Run DMC, Public Enemy et les Beastie Boys – revenus à leurs premiers amours, la pochette de To the 5 Boroughs faisant foi ), de l’eau a coulé sous les ponts, et la ville est aujourd’hui – et pas seulement depuis le 11 septembre – un terreau suscitant un foisonnement de modes et d’envies les plus diverses.
Il est de notoriété publique que The Strokes ont (re)lancé l’engouement pour le rock venu de la grande pomme. Peut-être, mais c’est oublier des groupes et des genres aussi divers que ceux représentés par Interpol, !!!, The Rapture, Thievery Corporation, LCD Soundsystem, Fisherspooner, j’en passe et des meilleurs. Enfin, le hip-hop ou le latin jazz ont eux aussi un beau chapeau à tirer à la ville aux tours jumelles disparues (qu’un dessin immortalise à l’intérieur de la jaquette) : « Is ya alright » évoque toute cette mouvance, avec des guitares criardes et un refrain à la « you’ve got to fight for your right to party ». « The preacher » fait aussi partie de ce lot.
C’est simple, les Fun Lovin Criminals semblent à leur tour rendre hommage à la ville meurtrie par les attaques terroristes, désolés des manigances de Washington (du Patriot Act à la guerre en Irak). Pour preuve, le noyau du disque : « Ballad of NYC », qui sur la mélodie de Love Story, formidable histoire d’amour des annés 70 se déroulant à NY avec la pétillante Ali MacGraw et le talentueux Ryan O’Neal, évoque un Barry White, déjà salué précédemment dans « Love Unlimited », tiré de l’album 100% Columbian. La chanson est en tout cas très touchante.
Ceci dit, la plupart des titres, savants mélanges entre la dub, le reggae, le funk et les modus operandi latins, avec des instrumentations précises (beaucoup de cuivres et de piano), évoqueront leurs collègues trip-hop de Thievery Corporation. La légèreté de la musique se mariant parfaitement au fond des messages politiques ou d’amour (essentiellement visant la ville qui les abrite – vous l’aurez compris). « That ain’t right » en est un parfait exemple. « Mi corazon », en espagnol, rappelle l’énorme poids de la communauté hispanophone sur le groupe et la ville, les deux se confondant sans cesse. Enfin, « Will I be ready » clôture cette galette très plaisante. Mieux qu’un guide touristique, tout ceci donne vraiment envie d’y faire un tour.
Le site des Fun Lovin Criminals