À plus tard crocodile marque le retour de Louise Attaque dans le landerneau du rock. Malgré les années d’absence, la Louise a retrouvé sa verve et son éloquence soulignées par de nouvelles explorations.
Que de chemin parcouru depuis 1997 et l’album éponyme du groupe Louise Attaque qui allait asseoir confortablement sa carrière dans le rock français. Après des ventes colossales d’un premier album qui n’a pas pris une ride, la difficulté d’une succession résidait plus dans le fait de se réinventer ou de se convaincre d’une appartenance musicale qu’à tracer sa route dans un milieu déjà bien investi. Témoin de cette recherche d’identité propre, le second opus des parisiens Comme on a dit faisait référence à tout un pan de la scène rock américaine avec les Violent Femmes en tête, témoin la reprise du « Kiss Off » en concert pour bien enfoncer le clou, mais aussi 16 Horsepower. En montrant leur affinité à une famille d’outsiders on avait plus l’impression que Louise Attaque cherchait à se dédouaner de leur succès plutôt qu’à le prendre à bras le corps et s’en servir pour ouvrir des brèches dans un cadre frileux à la différence.
Peu comprise, la démarche suscitée par leur second album les poussa à entamer une pause qui les mena vers d’autres horizons, Tarmac pour Gaëtan et Arnaud, Ali Dragon pour Robin et Alexandre, et sûrement une parenthèse qu’ils ne pensaient pas être aussi longue. Malgré quelques sceptiques, l’avenir du groupe ne semblait pas être mis en péril. Pourtant l’échéance d’une nouvelle démarche commune après des années à s’être dispersé s’éloignait. Tâche délicate que de retrouver l’envie, se redéfinir, réapprendre à se connaître.
Aussi, à plus tard crocodile commence sur « La traversée du désert », chanson lancée comme une bouteille à la mer témoin de ces moments de doute et de tension où l’on doit oui ou non se «décider d’aller de l’avant». Alors on plonge et tant qu’à faire on ne se retourne pas.
Mais qu’est-ce qui a changé chez Louise Attaque depuis tout ce temps ? La pose a-t-elle été vraiment bénéfique ?
Bien que d’entrée on reconnaisse le phrasé Louise Attaque, à plus tard crocodile a le mérite de dresser de nouvelles bases dans l’instrumentation du quatuor. Le violon perd en tourbillon et gagne en douceur et en suavité (« Salomé », « à l’envers »). La guitare place ses riffs aux accents aériens pour en oublier presque ses enchaînements d’accords qui font la force du premier album (« Si l’on marchait jusqu’à demain », « Si c’était hier »). Les claviers apportent une touche mélancolique (« La valse », « Depuis toujours », « La nuit ») et une retenue qui apportent de la profondeur au disque. Les beats électroniques qui accompagnent la rythmique donnent un sentiment de légèreté et renforcent la partie dansante des compositions qui acquiert une fluidité et une finesse jusque-là inexplorées (« Sean Penn, Mitchum », « See you later alligator »). Même si une certaine gravité est palpable, la mélancolie s’efface par moment pour laisser place à une énergie parfois contenue (« Manhattan », « à l’envers »), souvent vive (« Shibuya station », « Nos sourires »). De plus, les récurrents « Oui, non » témoignent d’une volonté de montrer que le plaisir et l’ardeur à jouer du rock sont toujours présents.
Marque de cet enthousiasme, le jeu de scène des parisiens garde cette simplicité qui les rend attachants et transpire la ferveur d’un public qui ne semble pas avoir éprouvé la pose. Les vieilles chansons sont reprises à tue-tête, les nouvelles encore inédites sont vite accaparées. Pour un tour de chauffe on a connu réception plus froide. Sûr que l’album sera rapidement adopté.
Ainsi, entre l’insouciance et l’application à rendre chaque son, chaque voix le plus juste possible, la dynamique de ce troisième album a trouvé un ton approprié. Pas débonnaire mais assez audacieux pour coller à l’image des musiciens, coincés entre l’exaltation des premiers pas et la mesure de l’expérience. Sur un terrain déjà emprunté, Louise Attaque pose des balises qui lui permettent d’éclairer de nouvelles voies. On ne s’y perd pas mais l’exploration est assez enivrante pour apprécier chaque pas. On y revient souvent.
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