Voici le fleuron de ce que le NME a baptisé de nu-gazing, en référence au revival de shoegazing (littéralement : qui regarde ses chaussures). Beau premier album d’un très bon élève de My Bloody Valentine et Sigur Ros.


Amusement Parks on Fire fait partie de ces groupes qui vous font de l’oeil, soit par leur pochette, soit par leur nom. C’est la dernière option ici. Quand la surprise est à la hauteur de la promesse de l’intitulé (flash-back sur les cours de Sémiologie à l’université…), quand le contenu correspond au contenant (comme quoi ils n’ont pas servi à rien ces cours) on se dit qu’on a bien raison de faire encore confiance à son instinct. Bon, c’est vrai, parfois on se vautre en beauté, reconnaissons-le. Ce n’est pas le cas ici.

Mais qui se cache derrière ce nom alléchant ? Amusement Parks on Fire est un quatuor originaire de Nothingham (comme Robin des Bois) : Michael Feerick (guitare et chant), Daniel Knowles (guitare et production), Jez Cox (basse) et Peter Dale (batterie) . Ils se présentent eux-mêmes ainsi : England’s burgeoning art-punk scene (Punish The Atom, The Grips, Six. by Seven, Wolves ! of Greece). Il est vrai que Six by seven et son punk rentre-dedans n’est pas très éloigné, mis à part les synthés très présents chez ces derniers. C’est sur le label de Geoff Barrow (Portishead), Invada, que leur premier album éponyme sort. Enfin, cet automne on les verra en soutien de la tournée de Spoon, Millionaire ou dEUS. Pas mal pour un début.

Avec une intro comme « 23 jewels », le premier titre, on est plongé de facto dans une ambiance à la Sigur Ross, à savoir que l’on s’imagine dans le grand froid, perdu au bon milieu d’étendues gigantesques, entouré de montagnes rocailleuses enneigées, et l’on se laisse aller à des rêveries planantes. Tout d’un coup, vers la fin de ce même titre, une guitare nous rappelle à l’ordre, avant que le deuxième titre démarre en trombe et nous agite (la première fois, dans la voiture, le volant a pris quelques coups – la tête aussi !). C’est donc bourré de bleus et d’hématomes que la chronique a été conçue. Les risques du métier en quelque sorte. Cet aparté pour souligner que le bien nommé « Venus in cancer » est un ‘putain’ de titre qui arrache.

Les guitares cisaillés et foutraques d’un titre comme « Eighty eight » évoquent le Nirvana le plus bordélique que l’on est connu (bien que Nirvana et bordélique pour certains soit un pléonasme), voire du Foo Fighters à la sauce alternative. Mais la référence la plus évidente semble bien être My Bloody Valentine, tant le plaisir ici semble résider dans un bruitisme qui feint d’être désorganisé, mais qui nous alpague comme des bleus. Les ruptures de rythme ou/et les fausses fins (« Wiper ») fréquentes, font abonder sans ce sens : on glisse sur une pente savonneuse, et l’on se résigne à ne plus résister, tant il est bon de se prendre des coups. La façon de taper sur la batterie y est furieuse, comme si la vie en dépendait. Accompagné de guitares noisy, tout cela donne un ensemble symphonique d’un nouveau genre, sorte de croisement entre MBV et la mouvance instrumentale qui va des canadiens de Godspeed you Black emperor ! aux écossais de Mogwai, avec toujours Spiritualized en toile de fond. Enfin, tous les enfants de My Bloody Valentine quoi.

Des moments de pure beauté et calme, comme « 23 jewels » ou le piano dans « Wiper » et dans « Asphalt (interlude) » viennent renforcer l’ambivalence et donc la violence, entre, d’un côté le lyrisme et de l’autre des envolées noisy. Un album à marquer d’une pierre de feu.

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