Des pop songs finaudes, une touche d’exotisme instrumental et beaucoup de temps passé devant la fenêtre ouverte de la chambre. Veiller à bien la fermer de crainte de laisser s’enfuir l’oiseau.


C’est presque devenu une marque de fabrique chez Sub Pop depuis trois ans : leurs meilleures signatures sont des premiers albums livrés pratiquement à l’état de maquettes. En témoigne les petits bijoux d’ Iron & Wine, The Shins, Roguewave et The Postal Service… Tous ont mis la barre très haut dès leur premier opus, appliqués à enregistrer de jolies choses dans leur chambre ou salon. Depuis, on guette inlassablement les bios de presse du label jusqu’à tomber sur la perle rare, à la recherche d’une éventuelle autre « musique de chambre » confectionnée précieusement chez soi. Et là, en l’occurrence Chad Van Gaalen nous tombe dessus, et on est aux anges.

Sur la couverture, le nom s’écrit accroché Chadvadgaalen , mais après une petite enquête sur le dico webgalactique, ceci n’est pas un groupe mais bel et bien un jeune canadien de 24 ans, originaire de Caligary. Ben oui quoi, ça aurait très bien pu être un groupe ! Ce premier LP sorti voilà un an a d’abord été modestement distribué via son propre label avant que Sub Pop ne rafle la mise. Depuis, Van « Helsing » Gaalen a ouvert pour les Pixies.

Chad VanGaalen, bricole tout seul dans sa chambre depuis maintenant dix ans des pop songs biscornues. « Back to Tascam’s [[Nom d’une marque d’enregistreur 4 pistes bien connu des musiciens]] bedroom !» pour emprunter le slogan de Phil Spector, mais à imaginer les tonnes de cassettes entassées dans les tiroirs du jeune homme, c’est surtout au syndrome Babybird (Stephen Jones) que l’on tend à se remémorer. Certes le protagoniste n’est pas le premier à suivre cette démarche, récemment nous nous sommes perdus dans les labyrinthes mélodico-lo-fi d’Ariel Pink. Mais si le contenu demeure également foisonnant, Infiniheart est plus digérable que ce dernier. Les crédits du disque le stipulent au dos de la couverture : toutes ces chansons ont été enregistrées dans sa chambre entre 2001 et 2003. Val Gaalan y joue bien sûr de tous les instruments, à quelques exceptions près. Le meilleur de son labeur est compilé sur ce cd, bourré à raz bord : 16 titres empilés sur plus d’une heure et apportant une variété.

Si deux ans d’intervalle peuvent séparer l’élaboration de certains morceaux, l’écoute n’en souffre pas trop. Si cette pop part un peu dans tous les sens à chaque nouvelle plage, la musique de VanGaalen converge au bout du compte sur sa voix. Une voix étrange, gorgée de trémolos timides, pas vraiment identifiable. Aucun nom ne vient vraiment à l’esprit pour la décrire et c’est tant mieux. On sait par contre que la musique dans ses moments les plus rock rappellent Guided By Voices (Raccourci lo-fi facile, mais tellement écrasant) ou des ballades country comme savait s’en extirper Mark Linkous du temps du premier Sparklehorse. Et puis il y a aussi d’étranges instrumentaux un peu synthétique (“J.C.’s Head on the Cross” et “Somewhere I Know There Is Nothing”) qui, s’ils ne resteront pas dans les annales, ont le mérite d’apporter une touche de mystère à l’entreprise.

Sans pousser la comparaison avec Oh Inverted World -auquelle certaines prédominances pop nous rappellent tout de même au bon souvenir-, Infiniheart recèle quelques prouesses mélodiques. Et puis tout comme le fabuleux premier album des Shins, VanGaalen en habile habilleur sonore aime les petits détails qui font la différence : des bruitages bizaroïdes par-ci par-là. Passé ce qu’on considérera des interludes de luxe, c’est surtout lorsque VanGaalen sort l’artillerie lourde, les pop song indélébiles, comme sur “Clinically Dead” ou “Echo Train” qu’il accumule les bon points. « Back To Tascam*’s Bedroom! » qu’on vous dit.

Le site et label de Chad Van Gaalen