Troisième album des américains White Hassle, Your language redéfinit les bases d’un rythm’n’blues inspiré. Les Stones ou Chuck Berry sous l’influence d’un DJ.


White Hassle porte bien son nom. Que de tracas pour retrouver ses petits au milieu du méli-mélo de ce troisième album. Quelques notes de guitare bluesy en intro de Your Language nous laisseraient penser que le groupe revient nous hanter avec son rythm’n’blues percutant qui avait fait le succès de leur premier fait d’armes National Chain. Mais c’est sans compter avec les ressources de DJ Atsushi Numata qui débarque sans prévenir pour jouer du scratch et bouleverser l’ordre musical. Résultat : on a le droit à un blues canaille qui s’entiche d’electro. Dit comme ça on aurait l’impression que l’issue est réglée mais à y regarder de plus près ce mélange donne une cohérence au disque des plus attrayantes. Car les quatre new-yorkais ont bien calculé leur jeu. Malins les zouaves, ils alternent les titres entre folk dansant, blues rock, et diddley beat pour mieux brouiller les cartes. Alors on se laisse prendre au piège et balader d’un rythme à un autre.

L’album s’ouvre sur le titre éponyme « Your language » qui bercé par un tempo clopin-clopant et un riff de guitare sorti tout droit du Beggars Banquet des Rolling Stones donne des fourmis dans les jambes. Suit « Star position » avec des harmoniques très roots et un chorus digne du meilleur de la sunshine pop. Dans un monde où les petro dollars n’imposeraient pas leur avis, ce single serait plébiscité par tous les charts. Après avoir fait des étincelles sur « Star position », l’harmonica se lâche dans « All the night long » quitte à être confondue dans les méandres des boucles électroniques. Sur le dandy « You’d be surprised » les scratches retrouvent de leur verve et comme par enchantement poussent la voix de Ambrosia Parsley à épouser celle de Chris Maxwell. Pour ceux qui connaissent la version originale d’Irving Berlin, ils seront sûrement surpris par le nouveau tempo appliqué mais charmés par la sensualité exprimée par la muse de Shivaree qui transcende la chanson en une interprétation aussi singulière que précieuse.

Ainsi, l’originalité de Your Language réside dans le traitement réservé à l’instrumentation. En cherchant à insuffler un nouveau souffle au rythm’n’blues, White Hassle entretient une dynamique partagée entre des sons purs et d’autres séquencés. Des directions parfois insolites sont prises comme sur « Lazy Susan » ou « Vodka talking » mais permettent aux compositions de s’éloigner des conventions habituelles du style emprunté. Toutefois les amateurs d’un blues classique ne seront pas en reste puisque les américains honorent le genre en lui offrant plusieurs compositions d’une grande tenue. « 2 fingers crossed », « Garden (shake it, shake it) » en sont le parfait exemple. Un blues rock sec et nerveux sert à maintenir la tension tout le long des douze titres, éparpillés avec soin pour qu’on ne s’ennuie pas un instant. Bien sûr par moment, l’étreinte se relâche et laisse place à un nid douillet de balades folk. « It’s your turn » mais surtout « Neon, not the night » ravivent la flamme autrefois entretenue par les crooners au coeur blessé comme Tim Hardin, Harry Nilsson, Tim Rose qui n’avaient comme seule arme que la beauté de leurs mélodies mélancoliques. Un peu plus loin, sur « Halfway done with the tour », c’est l’esprit de Guy Clark ou Charlie Feathers qui vient nous hanter pour un ballet aérien mettant en vedette la country.

White Hassle joue du blues avec la spontanéité, le beat, la sensualité et un brin de sauvagerie que procure cette musique. En digne héritiers des Chuck Berry et autres Jimmy Reed, les new-yorkais soufflent sur la braise du rock’n’roll avec vigueur. En invitant l’électronique a se faufiler dans leurs mélodies, ils mettent du chaos et de la débauche dans un rythm’n’blues qui n’a jamais eu aussi belle allure qu’avec sa nouvelle peau.