Ca faisait un moment qu’on en parlait, et puis en Mars 2004 c’était enfin officiel : les Pixies se reformaient. Le fantasme collectif avait enfin trouvé une brèche vers la réalité.


Hope everything is alright. On a beaucoup spéculé sur les motivations d’un tel retour, accusant Gros Francis d’intentions bassement mercantiles (aujourd’hui ironiquement assumées dans le titre à double tranchant de ce DVD signifiant à la fois « à guichet fermé » et « vendus ») mais c’est sans compter l’égo surdimensionné que celui-ci a dû ré-ingurgiter au moment de contacter ses anciens camarades, qu’il avait tout de même un peu plantés en 93, persuadé à l’époque que les marches de la gloire se graviraient aussi bien – voire mieux – en solo. 10 ans de tournées des clubs (notamment au volant du camion) et 8 albums inégaux plus tard, Frank Black dépoussière enfin son carnet d’adresses. « Allô, Kim ? Tu vas rire… ». Son of a motherfucker.

Here comes your man. Et alors que sa carrière dérivait avec bonhomie sur un blues affable, Frank Black largue ses Catholiques, reforme les Lutins (pas rancuniers), fait table rase d’un passé peu glorieux et quitte les clubs enfumés pour les stades sur-bondés. Car oui les sous, oui l’ego, mais oui aussi le plaisir de se retrouver et de rejouer ensemble, comme au bon vieux temps. Un an et demi a passé (une petite centaine de dates également), l’heure du bilan a sonné et ce DVD s’en fait le meilleur témoin : on va aujourd’hui voir les Pixies comme on se rend à la messe ; avec déférence et piété, suivant un schéma liturgique intact malgré une décennie léthargique. Pas une note au dessus de l’autre, l’Abbé Black connaît son affaire et applique le missel à la lettre, alignant consciencieusement ses classiques en prenant bien soin de ne pas jamais – ô grands dieux – déraper sur le moindre accord flairant la nouveauté. Quelque peu boudée par les vieux fidèles, cette tournée 2004 exhume un temps que les moins de vingt ans ne pouvaient pas connaître (même si les multiples rééditions ont largement contribué à leur remise à niveau) et trouve ici sa véritable justification. It’s education now.

Planet of sound. En bref, Sell out, c’est un concert (filmé dans son intégralité aux Eurockéennes) qui prend des airs de musée Grévin : impeccable à tout point de vue, mais un poil statique. La playlist (remaniée tous les soirs – heureusement) tourne autour d’une petite quarantaine de morceaux, où aucune fantaisie ne semble admise (exit par exemple Bam thwok, première compo du groupe millésimée 2004 – toujours inédite en concert à ce jour). On retrouve les Pixies comme on les a laissé en 93 : sa majesté Black confit dans son ego à la discrète éloquence, Joey Santiago tout en retenue retranché derrière ses six cordes, Dave Lovering maltraitant ses fûts avec une espièglerie décontractée et l’indispensable Kim Deal, triturant sa basse la clope au bec, as cool as herself malgré une nouvelle coupe de cheveux qui change son éternel visage de gamine facétieuse en faciès cireux d’inuit centenaire. The joke has come upon me.

Land of plenty, land of fun. Si les plus sceptiques trouveront à redire sur le fond de ce DVD, la forme est, elle, exempte de tout reproche : excellent son (stéréo et 5.1), playlist principale foisonnante agrémentée d’une bonne grosse poignée de titres bonus entre lesquels ont été intercalés des témoignages des tour managers (parfois très dispensable comme ce « oh oui, on se rend bien compte que les gens aiment les Pixies »). Reste à savoir si les fans les plus anciens pardonneront à la bande à Francis d’avoir érodé l’intégrité de sa légende en reprenant la route, fut-ce pour permettre aux plus jeunes de prendre pleinement conscience du phénomène Pixies sur scène. Do you have another opinion ?