Passé du statut de divinité des cimes à celui d’icône electro-glam, Alison Goldfrapp et son acolyte Will Gregory laissent sur ce troisième opus un peu plus d’espace aux harmonies. Moins surprenant, toujours extra-normal.


Serait-ce possible ? Sur le documentaire du DVD livré en bonus de Supernature, on peut y voir la sculpturale Alison Goldfrapp tomber de son piédestal, bref se prendre une belle gamelle fortuite, puis ramper en riant sur son sort à gorge déployée. La belle serait-elle faite de chair et de sang comme nous autres, pauvres terriens ? Et la déesse persiste et signe, plaisantant par deux fois – on a compté – avec son complice Will Gregory.

Objet de fantasme pour ses fans, sainte garce pour les journalistes ayant eu l’étrange privilège de croiser son chemin, Alison Goldfrapp aime semer la confusion, un jeu dans lequel elle excelle. Même l’entendre parler relève d’une expérience fantasmagorique (décidément ces documentaires DVD filés en bonus du disque sont très intéressants) : séduisante dominatrice, comme la méchante reine de Blanche Neige, elle se transforme l’instant suivant en princesse Blanche Neige ingénue. Bon on va s’arrêter là, sinon on va sortir le fouet. Ouille ! Que ça fait mal!

Avec ses deux précédents albums, Goldfrapp est devenu l’une des plus emblêmatiques formations d’electro-pop britannique, du moins l’une des plus étonnantes pour sûr. Leur surprenant premier album Felt Mountain (2001) se faisait empereur d’une musique Trip Hop symphonique voire fantasmagorique où Alison Goldfrapp y vocalisait d’une manière enchanteresse. Le disque suivant, Black Cherry, explosait cette formule en augmentant le tempo et cassant cette image de fée divine en y injectant une bonne dose d’esthétique glam rock.

Avec son titre paradoxal, Supernature est d’emblée moins surprenant que ses prédécesseurs, s’inscrivant comme la somme des travaux précédents. La première partie du disque réitère la formule deca«dance» de Black Cherry, avec des refrains nettement plus flagrants, poussés par des « Da la la Da », des « Na Na Na » ou des « Ooh La La… ». Le beat « T-Rexien » a été conservé, mais les vieux claviers glaciaux de Will Gregory évoqueront pour certains le Depeche Mode de Music For The Masses.

En ce sens, Supernature explore davantage l’esthétique des années New Wave avec toujours un certain goût du chic. Très soucieux de son style, le duo Goldfrapp éclot encore d’une pop fantasmée, très synthétique, et encore une fois magnifiée par la voix exceptionnelle d’Alison Goldfrapp. Sa présence contribue à relever l’intérêt de ces plages parfois un peu trop produites. Mais, encore une fois, l’alchimie prend : “Satin Chic” et son piano cabaret entraînant matérialise parfaitement cet équilibre entre virginité et luxure où Goldfrapp est passé maître.

Certains morceaux plus atmosphériques renouent avec les sensations cérébrales et ultra arrangées de Felt Mountain (“Let It Take You” “Time Out From The Word”). “Slide In” et “Koko”, par leur ambiance synthétique et ces parties de chant sophistiquées, rapprochent l’ensemble d’une Kate Bush période “Running Up That Hill”. Peut-être moins thématique que les deux précédents opus, Supernature semble vouloir faire une percée plutôt convaincante dans l’univers plus Pop qu’Art.

Certes, l’effet de surprise n’est pas au rendez-vous, mais la forme semble bel et bien avoir été vaincue par le style, ce qui n’est pas si désagréable. Y aurait-il réellement une âme derrière Goldfrapp ?

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-Lire également notre chronique de Black Cherry (2003)

-Le site officiel de Goldfrapp