Du rock 70’s réincarné, brut et rêche où les guitares électriques mènent d’une poigne de fer ce bal décadent. Bienvenue dans le bayou de The Drones.


The Drones. Voilà un nom qui en jette… Tout amateur de rock normalement constitué se doit de « tiquer » lorsqu’un nom pareil se profile à lui. On se demande même comment personne n’y avait pas pensé auparavant…

En plus d’avoir un super nom de scène, The Drones est un groupe de rock australien honorable, un peu punk par son éthique sans concession, qui perpétue la tradition inaugurée par les gloires locales : Birthday Party, The Saints et Radio Birdman. Signés sur ATP, label de Sonic Youth, The Drones sont inconnus par ici malgré déjà un premier album à leur actif. Ils ont déjà traversé la moitié du globe pour accompagner leurs camarades apocalyptiques de Dirty Three. Lorsqu’on sait que Warren Ellis et Thurston Moore se sont penchés sur leur destin, il y a déjà là un gage de crédibilité non négligeable…

Avec donc déjà un premier album à leur actif, sans avoir posé une oreille dessus, on s’imagine bien que le rock interprêté sur ce second opus n’a pas bougé d’un iota. Un rock carbonisé, celui où règnent en maître les guitares du « Loner » de “Cortez the Killer”, maltraitant sa Les Paul sur des soli dissonants et paranoïaques. Pour avoir un son aussi délibérément cradingue, il faut soit avoir galopé en compagnie des cavaliers fous du Crazy Horse, soit avoir connu les galères de tournée en van, les pannes sèches au milieu du désert, ainsi que les bordées noires et chapeaux de paille vestes en cuir puant la clope taxée, faute de pouvoir s’en payer bien entendu. The Rock n’roll way of life dans toute sa splendeur !

Avec son titre à la Trail of Dead… Wait Long By The River And The Bodies Of Your Enemies Will Float By (NDLR traduire littéralement : Attend le long de la rivière… et les corps de tes ennemis flotteront à la surface) est un second album enivrant. Enivrant par son grain de folie véhiculé, ses paroles tordues, ses guitares puissantes et ce parti pris de laisser tourner la machine vers l’imprévisible. On sait déjà sans même avoir vu ce combo – bien que basique (basse/guitare/batterie) – qu’il ne doit jamais interpréter une chanson deux fois de la même manière sur scène. Certains titres sur disque optent facilement pour l’effet « rallonge » (« Sitting On The Edge Of The Bed Cryin' »), n’hésitant pas à calmer les ardeurs au milieu du temps réglementaire pour finalement continuer lentement sa marche bouseuse, puis finir en beauté dans un vacarme intense, le manche des guitares Les Paul brisées en deux.

La touche féminine de la bassiste Fiona Kitschin, avec ses choeurs d’adolescentes sages, offre un topo plutôt étrange au milieu de cette déchéance rock. Son leader, Gareth Liddiard (chant, guitare), a une voix raclée élevée dans le bayou. Bien que ce soit la fièvre rock qui domine, cette musique emprunte également beaucoup au blues, celui sorti tout droit des marécages de Melbourne, faute de mieux. Et puis il y a des morceaux qui vont à l’essentiel, la formule est simple mais a fait ses preuves : des riffs plombés, (“Baby”), à la fois bancals et brutes de décoffrage. La tête se met à acquiescer inexplicablement sur “You Really Don’t Care”, une furieuse attaque armée d’un riff barbare. Ce rock est alors plus que lourd, il devient pesant et captivant. Sur “The Freedom In The Loot”, The Drones bouffent de la vache enragée, une viande tranchée à grand coups d’accords plaqués, mijotés d’un gouteux filet de larsen. Bon appétit.

Bonne nouvelle, le rock inélégant est de retour. Et ce rock gras et décadent bourgeonne ces temps-ci aux antipodes de la planète, avec les frères d’arme canadiens de Black Mountain, prêt à brandir les guitares pour donner une bonne leçon à ces new post-punk de mes deux. Tout est cyclique et la terre continue de tourner.

-Le site de The Drones