Un MC se prend pour Brian Wilson en élaborant de véritables pièces montées hip-pop. Et puis des « cils d’éléphant », quel étrange titre tout de même…


Pour un MC, Yoni Wolf cache terriblement bien son jeu. Qui aurait pu se douter à la sortie de son premier album Oaklandazulasylum que son hip hop-folk allait si mal tourner ? Le rejeton du label Anticon(formiste) préfère désormais fleurter avec les harmonies pop plutôt que débiter du flow au Km/sec. Ah cette mauvaise graine de rappeurs, des vrais coeurs d’artichaut on vous dit ! A force de retourner sa casquette constamment, la mafia conservatrice du Gangsta Rap va finir par lancer un contrat sur lui, 50 cent n’a qu’à bien se tenir ! A vrai dire, de Yoni Wolf – aka Why? – on a appris à se méfier, surtout depuis le virevoltant Sandollars EP paru voilà 6 mois. Celui-là nous avait si bien astiqué l’ouie que l’on y revient d’ailleurs régulièrement.

On ne sait pas trop ce qui a pu se passer dans la tête de Wolf pour vouer soudainement une passion si grande aux Beach Boys. Est-ce que Sean O’Hagan (Hih Llamas) l’aurait kidnappé et infligé le même sort que Malcom Mc Dowell dans Orange Mécanique : le visionnage ad nauseam du documentaire « Endless Harmony » ? Car il faut être sourd comme un pot pour ne pas entendre un tel tribute « smilesque » : Que se soit sur les ambitieux « Sandollars » (ici retravaillée) ou bien « Rubber Traits », on ne sait plus où donner de la tête dans ce dédale de vignettes mélodiques. A titre d’anecdote, ce vieux fou de Brian Wilson est d’ailleurs crédité (ou plutôt samplé) sur le divin “Whispers Into The Other”. Yoni Wolf est parvenu à exploiter prodigieusement la science harmonique des garçons de la plage et l’inclure dans son hip hop tarabiscoté. Ces chansons ont du coup pris une tournure pop surprenante.

Comment Why? en est arrivé là ? Au départ sorte d’échappatoire solo activé en parallèle à ses collaborations avec cLOUDDEAD (formé avec Odd Nosdam et Dose One) et Hymie’s Basement (en duo avec Fog), Why? est ainsi devenu une vraie entité de groupe. Pour parfaire son atelier chimique, Yoni Wolf s’est depuis peu adjoint le service de laborantins musiciens : le guitariste Matt Meldon, le multi-instrumentaliste Doug McDiarmid, et Josiah Wolf (son frère) derrière les fûts. L’influence de sa collaboration avec cLOUDDEAD s’est lentement diluée, l’apport de musiciens ayant vraisemblablement consolidé la sensibilité harmonique.

Ce qui bouillonne sur Elephant Eyelash est à mille lieues du beat cafardeux de The Early Witney EP avec ses ambiances moites, limite trip-hop. Car si c’est toujours bien de « hip-pop » hybride qu’on a affaire, cette musique est incroyablement riche, durement descriptible : On y entend bien du rock noisy, du folk, du hip hop, de la pop kaléidoscopique… Une guitare acoustique, des cuivres, un piano très mélodieux, des arpèges signés Pavement, tout se mélange avec de lourdes basses hip hop et autres échantillons très connotés psyché. « Gemini », est une pure pop song traitée au piano, on peut parler de “Surf’s hop”. Plus martial, “Act Five” aux relents suicidaires, opte par contre pour un décorum en forme de marche militaire – un peu moins Mike Love, on le conçoit. Au milieu de ses cassures incessantes, Yoni Wolf se distingue dorénavant en optant pour un flow chanté ou hésitant, c’est selon, les harmonies à la Beach Boys se chargent de la tâche lourde.

Finalement, Why? ne fait que redonner vie aux délires visionnaires d’un Brian Wilson 60’s lorsque celui-ci s’est mis à redéfinir les canons de la pop moderne via “Good Vivration”, jusqu’à en perdre la boule. Car des “Good Vibration” sur Elephant Eyelash, il y en a bien quatre ou cinq clones dignitaires.

Si Pinkushion serait doté d’un échiquier de valeur notée, sûr qu’il afficherait fièrement un 11/10. Le coup de génie de l’année, on vous le dit.

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