Hey les kids ! Plus rien à écouter depuis 5 jours ? Bougez pas, on vous sort des tiroirs deux solides trios rock, de quoi tenir jusqu’à l’arrivée du père Noël. Enjoy.
On le sait, la presse rock britannique aime faire monter la mayonnaise médiatique. Le NME en tête est devenu un champion de la discipline, érigeant une pléthore d’outsiders rock en couverture de son magazine. Certes, les couv du NME n’en sont pas encore au niveau de la Page 3 du Sun, mais tout de même, le phénomène « rock star d’un jour » s’accélère ces derniers temps et devient de plus en plus inquiétant.
Depuis la consécration de Franz Ferdinand – définitivement en haut du panier, il faut l’avouer – la quantité monumentale de nouveaux groupes en « The » entraîne un engorgement du flux, si bien que certains disques, pas même sortis, passent directement à la trappe des rubriques chroniques. Le Tam Tam médiatique se charge du reste, et c’est le cas des albums éponymes de Black Wire et Kill The Young qui en ont fait les frais. Mais est-ce que ces jeunes coudes méritent autant de désintérêt a contrario de l’emballement autour des Artic Monkeys (sympathiques, mais sans plus) ? Après écoute, franchement non.
Avec même pas 20 ans de moyenne d’âge, les Black Wire sont déjà presque considérés comme des has been par le NME. Porté par une critique dithyrambique dès leur premier single (“Attack! Attack! Attack!” avril 2004), ce trio précoce de Leeds s’est vu magistralement ignoré depuis par ceux-là mêmes qui les avaient encensés… Le temps que le groupe enrichisse sa formule et son répertoire, boucler son premier album en studio avec le producteur Choque Hosein (Hood), l’engouement – ce traître – était depuis bien longtemps parti voir ailleurs. Et pourtant, leur honnête premier album éponyme recèle une bonne poignée de singles remarquables. Les « cordons noir » prennent un grand soin à soigner leur style – un peu trop même si on vise leur look (Si Mc Cabe, leader du groupe, a un air troublant avec le fougueux Mick Jones des débuts), mais pour les avoir approchés début novembre, on peut vous garantir que ces musiciens ont bel et bien la tête sur les épaules, et maîtrisent sur le bout des doigts du manche la filière en « The » .
La pochette est respectueuse des codes du genre : Black Wire s’imprègne de la cold-wave d’un Bauhaus et suit quelques autres sombres forces de l’encéphalogramme Factory. Bien que la plupart de ces gamins n’étaient même pas encore nés après la bataille, Back Wire a aussi gardé quelques séquelles de l’invasion Brit pop 90’s : un sens pop mélodique évident et la voix de Dan Wilson, dont les intonations évoquent Damon Albarn.
Malgré quelques faiblesses dures à cacher sur 34 minutes, Black Wire prépare quelques attaques jouissives. “God Of Traffic” d’abord puisqu’il ouvre les hostilités, renoue avec la verve punk dénudée des Slits. “800 Million Heart Beats” et son refrain irrésistible façon “Trash” des New York Dolls laissera un agréable souvenir. Et puis il y a un morceau miné, le genre de bombe qui laisse de sales séquelles sur un album : “Smoke & Mirrors”. Quelle gifle ! Une chute de studio tout droit sortie de Bossa Nova des Pixies ou bien de la jungle psychédélique des Cramps. L’un des meilleurs brûlots rock entendus ces dix derniers mois avec le “Decent Days At Night” des Futureheads, pas moins. La fin de l’album laisse entrevoir, une surprenante couleur industrielle que jusqu’alors aucun groupe de la mouvance actuelle ne s’était encore approprié (l’accrocheur “The Face”).
Un peu plus à l’Ouest, mais toujours au nord, Kill The Young officie à Manchester, réputé bastion des meilleurs groupes britanniques de ses 25 dernières années (Joy Division, Smiths, les premiers disques des Stone Roses et Oasis) les Kill The Young ont certainement moins d’allure, mais leur baptême du feu témoigne d’une solide aptitude à concocter de petits hymnes rock aux oignons. Le trio familial (trois frères) a été éduqué à l’école grunge/punk, éduqué façon Therapy ?, Smashing Pumpkins… soit des riffs surpuissants, contrebalancés par un sens de la mélodie emprunté aux figures pop locales, les Smiths. Question son, Kill The Young s’est donné les moyens d’être à la hauteur, parrainé par Dimitri Tikovoï, éminence grise de Trash Palace et producteur du futur album de Placebo. Et histoire d’en rajouter une couche, c’est Flood qui s’est chargé du «vernis» mixage.
La recette de Kill The Young est directe, et fait l’impasse sur les figures de style du moment (Gang of Four…). Son originalité par rapport à la masse émergente, c’est d’avoir un album consistant du début jusqu’à la fin. Les frérots sont assez habiles pour faire parler la poudre au moment crucial du refrain, un peu comme leurs illustres descendants, les Buzzcocks. Si bien qu’on est pas loin de penser que ce jeune trio vient de pondre l’album d’Idlewild qu’on attendait cette année. En témoigne le nerveux « Addiction », joli défouloir bien allumé. Encore vert, Kill The Young pioche un peu à tous les rateliers : “Do You Notice” et “All The World” se rapprochent des guitares enlevées à la Chameleons, soit des riffs plongés dans un echo mélancolique salvateur. Plus étonnant, lorsque le groupe se plait à singer sans complaisance Moz sur “Fragile” voire loucher aux antipodes sur Faith No more via “Kill The Young”. Coincé le cul entre deux chaises, Kill the Young n’a peut-être pas encore totalement trouvé son identité, mais sait déjà écrire de sacrées chansons. Qu’on les laisse mûrir encore deux ans et l’on ne donne pas cher du massacre.
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