En ces temps de crise de banlieue, Saïan Supa Crew déballe un album de revendications qui tombe à pic, et qui profite des projecteurs médiatiques en montrant une image qualitative.


« Blow », le titre qui ouvre Hold-up, annonce bien la couleur. Le clin d’oeil au reggae avec les « yo-yo » chantés à la Bob Marley, un flow tantôt rap tantôt raggamuffin, le français et l’anglais qui s’entremêlent, le drum & bass en filigrane, les MC qui se succèdent pour déverser leur poésie urbaine : un bon cumulé de ce que sait faire le groupe en fin de compte.

1997. SSC est à l’origine un collectif (Sir Samuel, Sly, Feniksi, Vicelow, Leeroy & Specta) devenu par la suite un quintette dont le premier album, KLR, est un hommage à la mort du membre du même nom. Ensuite, l’album X-raisons va confirmer tout le bien qu’on pensait d’eux, mais aussi les conforter dans une position commerciale enviable, puisqu’ils vendent jusqu’à 100 000 exemplaires hors de l’hexagone. Après avoir chacun fait son petit bout de chemin en solo ou en collaboration avec d’autres artistes, ils se retrouvent tous sauf un (Specta) pour ce troisième album. Hold up tombe à pic en ces temps de crise urbanistico-HLM. Certaines chansons ne font pas dans la dentelle en la matière comme l’explicite « Zonarisk » : « Bienvenue dans la zone à risques, risquée en quoi? Il faudra bien qu’on le définisse quelques menus trafics pour réchauffer les coeurs, Faut-il en faire état au journal de 20H? Les plus grands trafiquants sont ceux qui nous dirigent, ils disent chez nous ça sent la pisse, ils nous salissent, au mic je ne vise qu’eux » puis « Ici l’arabe n’aime pas le noir, le noir n’aime pas le blanc » et enfin « Il se passe des trucs pas très clean, certains de ceux qui se disent muslims pratiquent le viol en clan« .

Le hip hop tient toujours une belle place chez Saïan. La pâte évolue dans un rap à la A Tribe called Quest, à savoir teinté de jazz (ici, c’est une boucle de clarinette qui lie la sauce). Des petits interludes humoristiques s’immiscent ici et là, à la manière de De La Soul. Celui de l’intro « 96 degreez » est assez loufoque et vaut le détour. « Feceps » parle de « cul, de cul, de cul » enfin, de « cette partie de ton anatomie », et ne cache pas (pourquoi le faire) cet instinct ma foi assez normal.

Le reggae : le raggamuffin de « jungle », « 96 degreez », avec un refrain chanté par Patrice et accompagné d’une guitare sèche est très réussi. La basse y est providentielle, et on ne peut pas, vraiment pas, se contenter de rester assis comme un bête quidam. Non, on se lève, et on se trémousse. Probablement le meilleur titre de ce disque.

Enfin, ce qui a aussi fait le succès de SSC, ce savant mélange des genres, est toujours d’actualité avec le souk de « Hold-up », « Rouge-sang », un beau pamphlet sur la colonisation et sur la condition black (« J’suis pas africain ? Mais qu’est-ce que c’est que ces bêtises, un antillais de souche n’existe pas faut que tu piges (…), quelle est la couleur de ma terre natale rouge-sang coule sur nos trottoirs, rouge sang coule dans nos mémoires, en attendant j’ai mal, mal mal« ). Enfin, la soul ou le r & b sont aussi de la partie, avec « So into you ». « Si j’avais su » enfin affiche la collaboration de Camille, avec qui Sly est venu donner un coup de Human beatbox sur sa tournée.

Un disque touche à tout qui prouve que ce n’est pas en se diversifiant que l’on se perd en chemin.

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