Une américaine de San Antonio exilée à Chicago prend la vie comme elle vient, un brin désinvolte. Sur ce 4e opus, Edith Frost honore avec sobriété une country apprise au coin du feu il y a déjà dix ans.
L’amour est un jeu, Edith Frost en découvre les vertus et les revers. De défaites en désillusions, parsemé de quelques rayons d’espoir, le nouveau disque de l’américaine en a gros sur le coeur et le fait savoir. Entre pointe d’humour et un brin moqueur, les titres de It’s a game provoquent la douleur pour la salir encore un peu plus comme si cela pouvait servir à cicatriser les plaies rapidement. A moins d’être six pieds sous terre, il faut manier l’autodérision pour écrire des phrases aussi terribles que «mon amant ne m’appellera plus jamais» ou «notre amour n’était qu’une illusion, une vision passagère de mon esprit». Le moral à zéro, force est de constater que cet album est fait pour vous. Sadique vous me direz ? Pas du tout car malgré l’amertume des textes, un certain spleen, le disque n’a rien de dépressif. La musique bien qu’elle colle à l’ambiance générale de l’album a cette légèreté qui procure un sentiment d’apaisement. Bien sûr, à l’écoute des compositions, on ne dansera pas sur la table de la cuisine mais on ne se jettera pas par la fenêtre non plus, on gardera juste une sensation de paix intérieure.
L’instrumentation se fait apaisée grâce à une palette sensuelle et pleine de nuances. Les arrangements de cordes sobres et bien agencées secondés par une pedal-steel à la tonalité discrète rendent l’atmosphère un poil plus léger comme sur le titre « A mirage » ou « Lucky charm ». Même si la couleur penche du côté du gris, la chanteuse sait que porter à bout de bras une mélancolie est difficile à assumer. Aussi, elle s’entoure de musiciens qui apportent leur désinvolture. Comme dans une partie de campagne ou autour d’un feu de camp, chacun pose son instrument au milieu des autres avec assez de retenue pour ne pas éclipser la présence de ses amis. A pas feutrés, une guitare acoustique, un orgue ou un piano jouent délicatement son répertoire (« What’s the use », « Good to know »). De plus, la production très éthérée accentue l’ambiance vaporeuse que traînent les chansons.
Cette native du Texas, aujourd’hui exilée à Chicago, est plutôt du genre timide, à passer inaperçue. Avec It’s a game, elle endosse un rôle d’outsider et conforte son côté vulnérable en exposant des tranches de vie. Sur son site elle écrivait récemment «je me suis séparé de mon ami, je suis triste que ça n’ait pas pu marcher entre nous mais je ne suis pas surprise». Edith Frost s’exprime comme elle chante avec son coeur, la sincérité avant tout, rien ne sert de cacher ses peines. Et c’est cette franchise, cette nudité, qui aurait pu paraître obscène si elle n’était pas si sensible, qui séduit et rend son quatrième album si touchant.
Repérée par son album Calling over time en 1997 sur lequel elle était entourée des membres de Gastr del Sol, puis révélée par Wonder Wonder en 2001, elle accompagne aujourd’hui sur la route de nombreux groupes dont Calexico et Iron & Wine dernièrement. Proche des sonorités des Palace Brothers pour qui elle avoue avoir un penchant, Edith Frost pourrait être la cousine d’une Lisa Germano, Victoria Williams ou Cat Power, en moins exposée, tant elle partage avec ses consoeurs un même engouement pour la mélancolie et l’insouciance du lendemain. Sur la pochette, on voit un cheval de bois pour manège et en couverture la jeune femme en train de s’atteler au carrousel. Quelque soit le prix à payer, après les larmes il y aura toujours un coin de ciel bleu semble nous dire Edith Frost. Peut-être un peu fataliste ou plutôt trop réaliste, à moins qu’elle soit simplement épicurienne. Prenons la vie comme elle vient avec ses doux et pénibles moments mais, surtout, prenons du bon temps car après tout notre muse a raison : la vie, l’amour est un jeu. Un jeu fait de petits riens qui comme ses chansons mises bout à bout donne du baume au coeur et rend l’existence plus belle.
-Le site de Edith Frost