Thomas Fersen, en grand cultivé librophage, nous livre sa vision de la folie, une manière comme une autre de se définir dans la société actuelle. Bienvenue dans Le pavillon des fous.


Dès « Hyacinthe », comme d’habitude, on sait qu’on est entre de bonnes mains, même si ce sont « les grosses mains d’étrangleur », et que l’on est « en présence d’un fou » -photos du livret à l’appui, évoquant Orange Mécanique. A l’image d’un film d’horreur, on ne sait pas pourquoi, mais on aime ça. Ah, Thomas…Comme tous ces chanteurs et chanteuses très particuliers, soit on accroche soit on déteste, mais il est rare que l’on reste indifférent. Si, par mégarde, vous écoutez les paroles, c’est fini : ses fables vous prennent par les sentiments, le coeur prend le dessus sur l’esprit…

Servies par des mélodies alambiquées à la perfection en dilettante, les chansons se succèdent et vous séduisent comme une femme que vous n’auriez pas remarquée, là, au bar, et qui pourtant a un charme fou, et que vous n’arrivez pas à vous sortir de la tête. Oui, Fersen, c’est ça : ce sont les tripes, les sens, en gros, la poésie qui vous émerveille.

Le Pavillon des fous est déjà le sixième album, enregistré en grande partie en Bretagne, de ce parisien atypique, âgé de 42 ans. La pochette, encore une fois signée par Jean-Baptiste Mondino, dévoile bien la personnalité schyzo de Fersen. A ce propos, un extrait de sa bio : « Thomas vous avouera que son intérêt pour les gens différents remonte à l’ enfance, passée en ce qui le concerne dans une cité du XXe arrondissement où quelques logements se voyaient réservés à des familles dont un membre présentait un dérèglement mental. Une aubaine pour le petit garçon qu’une certaine insanité chez les autres semble rassurer sur lui-même ». Eloquant.

« Zaza » fait écho à la « Zazie » de notre cher Nino Ferrer. « Zaza tu pues, mais je t’aime quand même (…), zaza tu ronfles, pis tu t’dégonfles, Zaza tu pètes, Zaza tu fouettes ». L’humour est toujours au balcon avec Thomas, avec ce style cabaret constamment en filigrane. Le style saloon, du coup, colle au personnage sans mal : « Je n’ai pas la galle », harmonica et ‘guitare jaune’ à l’avant-plan. On ne s’étonne plus de rien de toute façon avec lui, que du contraire.

« Mon Iguanodon » le fait rentrer, par la grande porte, dans la cour des grands, des très grands, et pas seulement parce qu’inspiré par Le Roi des Aulnes de Michel Tournier : le piano vous berce, sa voix vous mène en bateau, les paroles comme à l’accoutumée se déclinent en métaphores, les choeurs émerveillent, les nappes de violons sont magnifiques : Thomas Fersen est bel et bien unique. Un artiste. Le clavinet renforce cette idée, en y incluant les grands musiciens noirs comme Stevie Wonder. Un peu partout, le Rhodes et l’hammond plantent le décor.

Enfin, au rayon des collaborations, on peut compter celle de Catherine Ringer sur « Maudie », qui est à la chanson ce que 37°2 le matin est au cinéma : folle. La folie, un thème bel et bien présent et pesant, qui permet à Fersen d’en jouer, aussi bien dans le délire que dans la démence.

Son disque, et l’artiste en général, nous donne « le tournis ». « J’ai… J’ai… J’ai le tournis. »

-Le site de Thomas Fersen

-Acheter cet album