A l’image de ce beau champ de tulipes, la musique de Film School évolue dans une beauté mélancolique : un rock atmosphérique sacrifié sur l’autel postpunk.


Dans la ribambelle de groupes qui marchent sur les plates-bandes de Cure et consorts, on ne s’y retrouve plus trop quant au nom à leur donner. Cette nouvelle vague, c’est de l’arty punk, du nu shoegazing ou de l’eighties revival? Une chose est sûre en tout cas : Film School, c’est clairement à la période Pornography de Cure qu’il fait penser, avec des pointes noisy évoquant My Bloody Valentine, une larme de Joy Division et enfin un groove pluvieux à la Stone Roses. Plus contemporains d’eux, on citera sans hésiter Bloc Party. En même temps pourtant, c’est à la cold wave qu’on a envie de les classer, tant les ambiances oscillent entre la bass line art punky, guitares aériennes ainsi que les nappes mélancoliques de Cure, Echo & The Bunnymen ou Killing Joke. En clair, l’atmosphérique sur un fil tendu en permanence : un subtile mélange de musique dansante, flippante et déprimante à la fois. Du coup, on ne peut s’empêcher, aussi, de penser aux Editors ou Interpol. Ils partagent avec ces derniers le contraste de faire de la musique estampillée made in England alors qu’ils sont américains.

Basés à San Francisco, le quintette à deux chanteurs – Krayg Burton (voix/guitare) et Nyles Lannon (guitare/voix) – a bénéficié, outre les permanent musicians que sont Justin LaBo (basse), Donny Newenhouse (batterie) et Jason Ruck (synthé) de l’apport et du soutien de pas mal de gens : Tim Mitchell (The Decoration), Scott Kannberg (Pavement, Preston School Of Industry), Kyle Statham (Fuck) et Mauri Skinfill (Elephone). Enfin, même Jason Knight est remercié dans le livret.

Porté à bout de bras par Krayg Burton (y compris la production), ce premier disque éponyme fait suite à quelques EP et des support acts pour TV on the Radio. Remarqué par de nombreux observateurs comme the next big thing, ils ont ainsi décroché un deal chez Beggars Banquet, maison d’accueil bien lotie (Tindersticks, Mark Lanegan…). Le quintet n’est pas du genre à se précipiter : leur single « On and on » sort en septembre 2005, puis ils accompagnent les valeureux The National sur les routes, l’album ne sortant qu’en cette fin janvier 2006.

L’effet provoqué est à deux vitesse. Première écoute, leur rock est plutôt bien charpenté, mais sans réel choc à première vue. Mais plus on s’enfonce, plus il est fort de constater que la qualité se maintient solidement sur la longueur et réserve même les meilleures surprises dans ses derniers rebondissements.

On a affaire ici à deux sortes de trames mélodiques : d’un côté, des semi-ballades aux paroles sombres, comme « Like you know », de l’autre, des titres incisifs, limite noisy, comme « He’s a deepdeep lake » avec de guitares provoquant des cascades de reverb, ou passant à un groove sombre et lancinant, comme « Pitfalls » ou « 11:11 ». Certains sont de véritables plateformes prétextes à des décollages noisy instrumentaux, et c’est là que le groupe excelle.

A ce propos, la basse joue un grand rôle, donnant une rythmique – sismique et lancinante qui n’est pas pour déplaire. Film School semble hésiter entre les deux extrêmes, s’engluant dans des marécages bouillonants et brouillardeux : le genre de musique qui donne toute sa valeur à ce qu’a un jour déclaré mon père : la meilleure drogue au monde, c’est la musique!

Le site de Film School

Le site de Beggars