En ces temps de revival rock, la pop – la vraie – n’a plus
vraiment la cote. A l’heure de la prédominance d’un son rock qui puise sans vergogne dans le creuset 80’s, la pop
traditionnelle est en berne. Triste constat, et ce ne sont pas les ballades douces-amères de Belle & Sebastian qui vont suffire à nous consoler. La pop, cette musique à la fois candide et fulgurante, porteuse d’espoir et de vocations inavouées. Qui n’a pas vu sa vie changée – pour ne pas dire transfigurée – par un de ces bijoux pop, une de ces chansons parfaites aux échos si singuliers ?

Concentrons-nous quelques secondes sur la fin des années 1980 en Angleterre. Right place, right time : les groupes pop sont légion. Parmi ce véritable vivier pop, certaines formations, éclipsées par d’autres plus médiatiques, sont définitivement tombées dans l’oubli. Définitivement? Au royaume de la pop, rien n’est vraiment définitif, à condition de faire preuve de curiosité et de patience. Apprivoiser un groupe, se familiariser avec son univers : voilà le terreau fertile des découvertes heureuses. Il est un groupe que l’on ne finit pas de re-découvrir, à qui la catégorie de « pop » va comme un gant : The Field Mice, formation méconnue et néanmoins emblématique d’une pop fraîche et sensible. Figure improvisée d’une musique humble, qui sait susciter tout un panel d’émotions avec trois fois rien : des mélodies accrocheuses, une voix douce, une basse tout en
rondeur.

The Field Mice est en effet un des fleurons du label Sarah
Records, institution mythique réputée pour son catalogue de
groupes en demi-teintes. Une pop à fleur de peau, parfaite pour les longues soirées d’hiver. « Pop anorak » dirons certains, mot-valise censé décrire une musique intimiste, souvent en mode mineur. Car, de 1988 à 1991, The Field Mice a sorti trois albums emblématiques, où se succèdent singles parfaits et ballades pop. Dès “Emma’s house” – single inaugural sorti en 1988 – The Field
Mice cultive une simplicité assumée : tant dans leurs textes que dans leurs mélodies, que l’on semble connaître de toute éternité. Des arpèges clairs, une basse méthodique et cette batterie caractéristique, presque métallique, qui accompagne la voix lointaine de Robet Wratten. Même la joie se teinte de nostalgie, et les arpèges de Field Mice résonnent en nous d’une façon inimitable. Emma’s house is empty, mais ce single reste un modèle pour tous les aspirants popistes.

The Field Mice possède, entre autres qualités, une intégrité exemplaire, qui confère à sa discographie une remarquable cohérence. Les albums Snowball, Skywriting et For keeps – parus entre 1989 et 1991 – ont cette parenté étonnante, qui rend leurs chansons familières, sans toutefois verser dans la redite. Il
suffit d’écouter Where’d you learn to kiss that way, compilation en forme d’anthologie parue en 1998, pour s’apercevoir que la nonchalence qui caractérise le quintet anglais fonctionne comme un merveilleux fil d’Ariane. On retrouve la trame principale de leurs trois albums, agrémentée des singles mythiques : la perfection pop de “September’s not so far away”, “Sensitive” et sa
section rythmique implacable, la langueur de “So said Kay” pour ne citer qu’eux. Les chansons se succèdent, nous laissant l’impression étrange d’avoir à faire à un seul et voluptueux album. Sans jamais lasser pour autant, même si certains artifices ont un peu vieilli – je pense aux « claps » de “This love is not wrong”, à l’ambiance noisy de “White”, ou plus généralement à la candeur guimauve de la voix cristaline de la chanteuse. Candeur sans doute sincère au demeurant. Au-delà de ces détails, nul doute que The Field Mice est parvenu, avec la discrétion d’une souris des champs, à imposer un style intemporel : simplement pop.

-Les rééditions des albums des Field Mice, sur LTMCD