Comme on peut l’imaginer, l’agenda promo d’une artiste comme Camille, 10 jours après son passage chez Drucker, et alors que le succès de son album Le Fil est énorme, est très chargé. Réussir à être casé entre un soundcheck et un JT peut être considéré comme un exploit.
Une fois sur place le jour J à l’heure H, on est tout excité de rencontrer la nouvelle castafiore atypique de la scène musicale française. On est juste déçu – mais on ne pouvait pas le savoir à l’avance – de ne pas avoir amené avec soi une caméra vidéo afin de capter tous les non-dits, les expressions, et surtout, l’humour et le charme de Camille.


En retranscrivant l’entretien, on se rend compte que par écrit on ne tient finalement pas une très grosse interview, et que la qualité de l’entretien n’y est pas aussi palpable que dans la réalité…

Deuxième déception, mais celle-ci pourrait être avancée à chaque interview ou presque, le temps imparti n’a pas été suffisant à dévoiler la fil(le). Timide de prime abord, ce n’est qu’après 20 bonnes minutes qu’elle commence à devenir plus affable, drôle, détendue.

Devant la routine à laquelle elle doit affronter les interviews, je décide de la soumettre à un petit blind test, pendant lequel on apprend bien plus qu’on ne le croit.

Björk : « Triumph of a heart »

Camille : C’est Bjork! Je ne connais pas cette chanson par contre… C’est le dernier album? Je ne l’ai pas encore écouté. On l’a écouté vaguement dans le camion…

Que t’évoque Bjork ? Tu es énormément comparée à elle…

– Bon, moi je ne me compare pas à Bjork. C’est une comparaison flatteuse mais … Ce que je pense, c’est que des personnes comme elle marquent tellement les mentalités que tout le monde est forcément influencé. Au niveau de l’imagerie collective principalement. Ceci dit, je pense qu’il y a certainement une connexion même quand on n’a pas entendu parler de quelqu’un : on peut faire penser à quelqu’un parce qu’il y a une similitude dans le tempérament par exemple. Entre certains chanteurs, il y a comme ça des connexions.

Pour revenir à Björk, est-ce quelqu’un que tu suis?

– Que je suis? (outrée) J’essaie de ne suivre personne !

Non, non, je voulais dire : que tu suis dans sa carrière.

– Ah d’accord ! Si, si, je la suis. Son dernier disque en fait est sorti alors que j’étais en train de préparer le mien. C’est incroyable qu’elle ait eu envie de bosser sur les voix comme je l’ai fait. J’aime beaucoup cette polymorphie. Ce disque de Björk, je l’entends au compte-gouttes – ce qui n’est pas désagréable du tout – et j’aimerai l’écouter sur une bonne sono, en entier. Je veux me plonger dedans, ça fait partie de mes envies. En dolby surround 5.1, c’est une petite gâterie que j’aimerai me faire ! On l’écoutait l’autre jour dans le bus justement, ça passait à la radio. Mais sans le confort d’écoute…

Fantômas : « Saturday 30/04/05 »

– C’est que des voix ça ?

Non, mais c’est quelqu’un qui travaille énormément sa voix.

– Mais les cymbales et tout ça c’est des voix ?

Non.

– C’est le belge-là ?

Non. C’est un américain, Mike Patton. C’était le chanteur de Faith No More.

– (écoute encore) Oui, et pour la voix, il l’utilise énormément comme un instrument on dirait.

Oui

– Il faudra que je note son nom. C’est intéressant.

Il s’investit dans énormément de projets, touchant plusieurs styles différents… comme toi.

– C’est vrai que je fais plein de trucs différents, mais j’avais envie ici de me démultiplier dans un seul disque.

Autre ressemblance avec toi, sur Le fil il y a cette note du début jusqu’à la fin. Dans l’avant-dernier disque de Fantômas, on entend l’aiguille d’un tourne-disque du début jusuq’à la fin, et comme toi sur Le Fil, exclusivement ce bruit pendant 30 minutes…

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Tom Waits : « Hoist that rag »

– C’est Tom Waits ?

Oui, le dernier.

– Ah bon ? Sa voix est extraordinaire ! Elle est très animale. J’adore ce mec. Je l’ai découvert à travers son dernier disque justement. Et c’est le dernier ça, avec une pochette rouge ?

Oui, exactement.

– Mais ça ne me dit rien ça. Celui par lequel j’ai découvert Tom Waits, il est assez cabaret.

Oui, tu parles du précédent probablement : Alice. Le dernier c’est Real Gone.

Skeemz : « 4 »

– C’est bien, c’est chouette ce truc. C’est un peu minimaliste et tout. La humanbeatbox!

Au fait, comment as-tu connu Sly (ndlr : humanbeatbox de Saian Supa Crew, avec qui elle a travaillé) ?

– Et bien en fait j’ai demandé à mon directeur artistique s’il ne connaissait pas quelqu’un qui pouvait m’enregistrer les grosses caisses. Il m’a parlé de Sly. Je l’ai donc rencontré, je lui ai fait écouter, il a beaucoup aimé. Je l’ai invité sur un concert carte blanche à la Maroquinerie, en décembre 2004. Il est venu avec des choristes. Ensuite on a collaboré.

The Roots featuring Erikah Badu : « You got me »

– C’est Hysterio?

Non.

– Non? Erikah Badu alors!

Exactement.

– Ça m’a fait penser à Hysterio… Il y a quelques années, je me rappelle d’un disque qui était sorti d’elle. C’est une chanteuse extraordinaire. Elle n’avait que 17 ans à l’époque, je ne sais pas ce qu’elle devient. C’était une voix un peu foisonnante, sur des trucs plutôt brésiliens.

Ici c’est Erikah Badu qui chante les refrains, mais c’est The Roots en fait.

– Ceci dit, même si j’ai fait cette chanson avec Saian Supa Crew, ce n’est pas une musique que j’apprécie plus que ça.

Mais Erikah Badu, tu en penses quoi ? Je trouve que « Baby Carni Bird » ressemble à du Erikah Badu…

– A chaque fois que je l’entends… Des fois, il suffit d’une chanson pour entraîner quelque chose. J’aime bien. Surtout par cette influence de chanteuses de jazz, les origines. Ce faux parlé, ces mélodies très simples…

Ella Fitzgerald & Duke Ellington : « Jazz Samba »

– C’est pas du tout mon titre préféré d’elle. Je la trouve trop maniérée ici. Ceci dit, c’est extraordinaire Ella ! Mais dans les chanteurs brésiliens, il y en a certains – car beaucoup sont très maniérés, très lyriques – comme Astrud Gilberto que j’aime beaucoup. Ce côté sans fioritures, j’adore. Ella Fitzgerald aussi, j’adore. C’est simple, c’est frais, c’est joyeux.

Leela James : « Rain »

– C’est marrant, il y a comme une cassure de rythme…

C’est du r&b old style, mais sorti cette année.

– Oui, j’aime bien ce mélange de hip hop et de r&b. ça me fait penser à un truc que j’aime bien (se met à chanter une chanson hip hop féminin qui passait pas mal sur MTV).

Tu écoutes beaucoup de musique ?

– Non, pas vraiment. Soit j’ai une imprégnation très rapide, soit je me plonge vraiment dans un disque. Le r&b c’est vraiment par imprégnation que je l’écoute en fait.

Tiken Jah Fakoly : « Nazara »

– C’est trop produit je trouve. Je n’écoute pas beaucoup de trucs africains. J’aime plutôt les trucs polyphoniques. Il y a un côté trop variétoche ici.

C’est souvent le cas des artistes africains internationaux.

– Oui, c’est vrai. C’est dommage.

Yanomani rain song

– C’est quoi ? C’est Inuit ?

Non. Yanomani. Ce sont des chants des indiens d’Amazonie.

– Ah ouais? (se met à imiter).

Tu travailles beaucoup ta voix?

– Non, pas vraiment, car je l’use vraiment en concert . Mais quand j’ai le temps j’expérimente. En enregistrant j’essaie pas mal de trucs. J’aimerai d’ailleurs bien travailler avec pas mal de chanteurs. C’est marrant qu’en France il n’y ait pas ce folklore comme au Brésil ou ailleurs. Eux ici, à la différence de Tom Waits par exemple, c’est la technique. Alors que Waits a la voix déchirée. (Se met à chanter dans des tons très graves).

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Finley Quaye : « Red Rolled and seen »

– C’est quoi ça?

C’est Finley Quaye. Le premier album, Mavering strike.

– J’adorais cet album ! Il est très roots.

Cocorosie : « Good friday »

– Cocorosie ? J’ai vaguement entendu leur disque. On dirait une fille à deux têtes un peu. J’aime bien.

Il y a ce côté comptines aussi, comme chez toi.

Parrondo featuring Françoiz Breut « Bien partout (dit la fourmi) »

– C’est qui ? Ah bon ? C’est Françoiz Breut qui chante ?

Daniel Hélin : « Les restes humains « 

– C’est qui? Daniel Hélin ? ça me dit quelque chose… Je connais ce nom…

Je l’ai choisi aussi pour ce côté cabaret que l’on retrouve aussi dans Le fil.

– Oui, j’aime beaucoup le cabaret, surtout en concert. J’adore le théâtre dans la musique. C’est toujours lui là ? C’est intéressant, faudra m’envoyer les références.

Je l’ai rencontré il y a 10 jours. Il en a marre que tout le monde le classe dans cette catégorie chanson française, qu’il considère comme poussiéreuse.

– Ça… Il y a un côté protectionniste à dire chanson française. En fait, on ne se base que sur le français. Il y a des textes, alors, c’est clair, c’est français ! Ce sont des paroles françaises !

Ça te dérange aussi ?

– Oui, c’est clair. (elle commence à jouer comme une actrice). Car tu comprends, ça, c’est le côté très français là hein ! C’est très culturel tu comprends ! (redevient sérieuse) Non, sincèrement, je crois que la chanson française est une des musiques les plus poreuses qui soient… car franchement, à part la musique bretonne, il n’y a pas de tradition en France. Qu’est-ce que le rythme français ? Franchement ? On a pas généré des trucs révolutionnaires en musique ! On est plutôt à recycler en permanence… Alors, bien sûr, tout ce qui nous reste, c’est le français, c’est la langue… ça c’est une appellation contrôlée !

(NDLR : On nous fait signe d’arrêter)

– C’est super comme principe en tout cas ! Et puis on découvre des trucs.

Es-tu d’accord avec cette sélection?

– Oui ! Je trouve en plus que c’est une bonne manière de parler de vous aussi.


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