Compte à rebours : 5 eps, 4 titres minimum chacun, 3 artistes chroniqués, 2 suédois (Jens Lekman, José Gonzalez) et 1 français, Acetate 0.
Junip – Black Refuge EP
(Temeshet/Fargo – 2006)
Il nous tardait d’entendre la suite des aventures d’El José Gonzalez – notre acrobate suédois de la six-cordes nylon. Le jeune « suédo-argentin » a préféré laisser de côté ses introspections lo-fi du vénéneux Veneer pour se lancer dans les joies du trio au sein de Junip. Accompagné de deux musiciens, Aelias Araya (batterie) et Tobias Winkerton (orgue et claviers), les cinq titres de ce Black Refugee EP vont dans ce sens, un véritable effort de groupe. Le jeu de manche envoûtant de Gonzalez doit cette fois jouer des coudes avec des claviers atmosphériques. Les morceaux ont pris indéniablement de l’ampleur, la reconversion ne manque pas de caractère. Cela démarre pourtant mollement avec “Black Refuge”, un titre mal chaloupé, perturbé par un orgue qui ne fait que boursoufler le tout.
Heureusement, le trio se rattrape sur le reste. Difficile de ne pas s’enticher de la douce mélancolie de “Turn to Assassin”. On y retrouve bien tout ce qui nous avait tant envouté chez ce « suédo-américain »: des arpèges sensibles et cette voix hispanisante délicate, portée par ses deux compères, vraiment fébrile. Plus brumeux « Official » dérive vers une musique d’aurore, hypnotique et baroque. « Chugga-chugga » est un instrumental à l’allure amputée, un peu trop court. Enfin, le meilleur pour la fin, une reprise du “The Ghost of Tom Joad” du « Boss » de Boston, véritablement mémorable. On attend la suite avec impatience.
-Le site du label crée par Junip, Temeshet Records
-Des morceaux en écoute sur myspace
Tracklisting :
1. Black Refuge
2. Turn to the Assassin
3. Official
4. Chugga-chugga
5. The Ghost of Tom Joad
Acetate Zero – Somehow About Perfection
Jolie promotion pour nos parisiens d’Acetate Zero qui publient ce 12 » quatre titres chez le très select label de Sacramento Claire Echo. Chez cette subdivision de Claire Records, chaque rondelle est pressée en quantité extra limitée (300 exemplaires) et devient instantanément une pièce de collection. Exclusivement constitué de nouvelles compositions enregistrées dans la foulée du très recommandé Crestfallen (2005), Somehow About Perfection ne fait pas office de single avec remplissage. Leur rock organique est toujours extrêmement dense, tel ce “Agota Kristof”, fantastique sonde post-rock qui s’enfonce peu à peu dans le bruit blanc. Le silence assourdissant de l’espace doit certainement ressembler à ça. Le bruit s’atténue par la suite, avec une guitare sèche mélo et une présence féminine, encombrée de sons parasites (“Surf Green””). Brillant dans cet exercice, Acetate Zero fait un clin d’oeil à un autre trublion bien de chez nous, Davide Balula.
“Late Night Session” vire ensuite sur un bad trip acid folk déjà esquissé sur “Ode To Admittance”, entre « poussière et carillon» (Dust ans Chime). Enfin, le feedback synthétique de « Granite Rail », confectionné avec une boîte à rythme de fortune est un peu déroutant, quoique rigolo. Ce quatre titres démontre une variété de langages et une suite dans les idées toujours surprenantes. Ce groupe s’autorise décidément tout et pourrait composer un morceau post rock avec seulement un youkoulélé, on y verrait que du feu. Acetate Zero peut s’identifier sans mal avec l’écrivaine Agota Kristof : une forte identité, peu académique et un talent insolent.
Tracklisting :
1. Agota Kristof
2. Surf Green
3. Late Night Session
4. Granite Rail
-Le site perso d’Acetate Zero
-Le site de Claire Echo
Jens Lekman – 3 EPS
Le gentleman du grand nord a un coeur gros comme ça. Non content de nous ébranler avec ces crooneries lo-fi bouleversantes, il le prouve aussi matériellement en livrant sur son site gratuitement trois EPs écoulés l’année dernière en une poignée de tirages (100 copies, tous épuisés évidemment, vous en conviendrez). On savoure cette offrande avec délectation, d’autant plus que le jeune mécène suédois revient de loin après une fin d’année 2005 misérable, où excédé il faillit jeter l’éponge pour sérieusement envisager une reconversion professionnelle dans un bingo hall pour retraités ! Regonflé à bloc depuis, le robinet de l’inspiration coulant à flot, il revendique haut et fort que l’année 2006 sera « son année » ! Des tee-shirts simplement marqués 2006 sont d’ailleurs vendus sur les stands de sa tournée. Les trois EPs téléchargeables n’ont pas la perfection de ceux publiés chez Secretly Canadian, mais il y à manger et à boire pour tout le monde.
You Deserve Someone Better Than A Bum Like Me, est certainement le plus consistant EP de cette trilogie. Bien souvent dénudé, seul avec son Ukulélé, ces complaintes en catimini (the One dollar thought, Tammy) méritent plus qu’une oreille distraite. “I don’t know if she’s worth 900 kr””, sarcastique, est une de ses ballades swinguées dont il a le secret, accompagnées de choeurs féminins qui font « dut dut dut ». Comment ne pas fondre ? Irrésistible. Adepte des reprises casse-cou (de Moondog à Television Personnalities…), le ténor suédois s’essaie même à une vieille bleuette italienne, “La strada nel bosco”, à rendre jaloux Pavarotti. L’homme des lacs (Lekman) y fait encore des prouesses de fragilité, il pourrait nous chanter fan de magazine, qu’on pleurerait. Il faut l’avoir entendu une fois a cappella sur scène pour mesurer l’ampleur de ses capacités vocales sidérantes.
I killed a party again, CD-R sorti un an plus tôt, est de loin le plus anecdotique. Il y a là-dedans des sons de synthé que même Yes se refuserait de jouer (“Kill a Party / Ressurect it”). On s’y amuse à interpréter un thème digne de Mon nom est personne, (“REC”) avec pour attache nostalgique des bandes enregistrées à l’âge de 15 ans. Touchant, mais de là à reverser, il y a un pas qu’on ne franchira pas. Surnage “Firecarker”, une petite bulle de savon de délicatesse qui s’extirpe de cette étrange mixture, ainsi qu’une très belle version démo de “Someone to share my life with”. Mais rien de neuf à se mettre sous la dent.
Le Tour EP est encore une livraison de ballades intimistes, interprétées au piano. On y est d’abord accueilli les bras ouverts avec une chanson de noël qui respire la joie et l’allégresse d’un Mike Love. Notons une curiosité originale (dans les deux sens du terme), reprise de “MapleLeaves”, en suédois (“Jag tyckte hon sa Lönnlöv”). L’accent ne fait pas de tort à la chanson et permet peut-être d’éclaircir un voile sur le mystère autour de ces capacités d’envoûtements. Toujours dans le registre VO, il faut bloquer un instant sur une reprise des japonais Nagisa Ni Te, assez bouleversifiante, il faut l’avouer, encore une fois.
-Lire également la chronique de When I said I wanted to Be Your Dog (Janvier 2005) et Maple Leaves/Rocky Dennis EP (2004)
Tracklistings :
You Deserve Someone Better Than A Bum Like Me
1. I don’t know if she’s worth 900 kr
2. the One dollar thought
3. La strada nel bosco
4. Tammy
I killed a party again CD-R EP
1. REC
2. Kill a Party / Ressurect it
3. Hultsfred 98′
4. Firecracker
5. Someone to share my life with
October 2005 : Tour EP
1. Run away with me
2. How much you mean to me
3. Me on the beach
4. Jag tyckte hon sa Lönnlöv