Voici un disque sur lequel on a envie de parier, comme Camille à la même période l’année dernière. Et de dire, à l’instar d’autres : attention, talent!


Voici un chanteur-guitariste qui a tout pour plaire à l’auditeur zébré et exigeant de Pinkushion. Joseph d’Anvers, avec sa bonne bouille de parigot (et non belge comme le nom pourrait le faire croire, Anvers étant – aussi – un quartier de Paris), débarque de « Pigalle » avec un album qui le propulse directement à l’avant-plan des chanteurs talentueux in french dans le texte. Spécificité – de taille – : son album Les choses en face réunit tous les ingrédients garants d’une qualité indéniable, voire d’un génie de la post-nouvelle chanson française.

Les paroles d’abord, tantôt mélancoliques (« Je laisse cette terrasse derrière moi et avec elle je ne sais quoi, je la laisse là sans un éclat, sans savoir ce qu’il y a devant moi« ), voire nostalgiques (« La valse des temps », « Nos jours heureux »), tantôt proches de la philosophie de la vie d’un trentenaire (« On reste seuls au monde », « La vie est une putain ») et de ses questions existentielles, sont autant à rapprocher de la (mau)dite nouvelle chanson française que de la grande et ancienne vieille garde qui a donné ses lettres de noblesse au genre. C’est dire si Jospeh d’Anvers ratisse large et comble les attentes de pas mal monde. Dans tous les cas de figure, les paroles sont d’une maturité et d’une beauté exceptionnelles.

Les arrangements sonores, une fois proches de la musique classique (l’orchestre de cordes est souvent à l’honneur) et se rapprochant de toute la vague bretonne (Yann Tiersen, Miossec), une fois aparentés à la musique jazz à laquelle Joseph D’Anvers a été élevé (un trombone, une contrebasse – « La valse des gens » -, un saxophone – qu’il joue -, des trompettes, un piano viennent saupoudrer le chant attachant du bonhomme), une fois enfin se rapprochant d’un classicisme franco-français qui met à l’honneur la valse ou le bal-musette version bobo. Mais ça ne s’arrête pas là : l’harmonica sur « A contretemps » n’a rien à envier au Boss, et les clappements de mains sont bien dans l’air du temps (dites oui!). Citons donc le folk aussi. Enfin, et surtout, le rock est à l’honneur, et ce dans tous les sens du terme. A titre illustratif, « La vie est une putain » arbore des paroles pas piquées des hannetons, et enfin un cri primal et un délire des plus frais, à la manière d’un Tom Waits, que l’on doit à un invité classieux : Christophe Miossec.

La manière de chanter du jeune trentenaire, chaude et attachante, répond à une large palette de styles, allant d’un chant désabusé en dilettante à la Carla Bruni sur « La valse des gens » (avant refrain) à, plus souvent, un chant appuyé et profond, évoquant Pierre Bondu, avec qui on pourrait le rapprocher à maints égards.
Quand on apprend d’où vient le bonhomme, il n’en devient que plus intéressant encore. Agé de 29 ans, il a laissé tomber son boulot de chef opérateur de cinéma (il a fait des études en ce sens) et de boxeur semi-professionnel pour devenir un songwriter. L’anecdote vaut d’être notée : alors que les labels n’ont que la réponse Non à lui proposer, désemparé, il croise Daniel Darc dans la rue, l’aborde, réussit à le convaincre de prendre un verre, et se laisse conseiller par l’écorché vif de Crève Coeur. Requinqué grâce à la compile CQFD des Inrocks, c’est avec Jean-Louis Pierot (Miossec, Etienne Daho, Bashung) qu’il réalise Les choses en face, dont on ne saurait suffisamment éplucher les mérites.

On veut le croire, le parier : Joseph d’Anvers a un très bel avenir devant lui.

– Lire notre entretien avec Joseph d’Anvers

– Le site de Joseph d’Anvers