The singing Adams a des « problèmes » et ne s’en cache pas. Pour preuve : il en fait même des chansons, marchant sur les traces de songwriters américains, entre prose acide et guitare aride.


Steven Adams fait partie d’une grande famille éclatée : celle d’un néofolk inspiré qui louche sans vergogne vers l’Amérique de Smog ou de Silver Jews. Car Steven, contrairement aux apparences acoustiques, est un citoyen anglais et non un songwriter de Chicago ou de Louisville. Loin du déterminisme géographique qui nous pousse – hâtivement parfois – à placer les chanteurs dans des cases prédestinées. Oui, on peut être anglais (ou suédois, ou africain, ou japonais, liste non exhaustive) et délivrer un folk mélancolique et ambré en s’appropriant les instruments qui vont avec : guitares, banjo, choeurs divers. The singing Adams maîtrise en effet une certaine culture de la composition et du texte désabusé, égocentrique et distancié à la fois. Des histoires d’amour insulaire (« I don’t believe in love anymore… except for you… and me ») ou de loosers magnifiques (« I could never forget the joy I felt, when I enjoyed to loose ») qui ne sont pas sans évoquer les complaintes d’un Will Oldham, l’humour british en sus. Car The singing Adams possède deux qualités remarquables : un certain recul face à son vécu problématique – qui le sauve souvent de la caricature du looser à guitare – et une voix très agréable. Et c’est avec un plaisir non feint que l’on parcourt les 12 pistes (dont un bonus caché) de Problems.

L’album débute par une courte ballade qui aurait pu faire partie du répertoire de Bill Callahan. Accords effleurés, voix claire aux accents quasi-familiers : Steven Adams peaufine le tableau en égrènant des paroles qui nous tirent des larmes : « You’ve built a castle out of tears, that you freeze every morning, on your cold cold heart« . Mais on aurait tort de cataloguer ce disque au rayon du « folk mélancolique à guitares », si un tel rayon existe toutefois, car Steven Adams nous réserve quelques surprises. Notamment une énergie communicative dès le deuxième morceau. Cette fois-ci, les guitares sont accompagnées d’une batterie qui s’insinue à merveille dans la mélodie tout en contre-temps de ce « Minus nines ». Adams adopte avec malice un ton qui évoque immédiatement David Berman, autre poète outre-Atlantique qui opère au sein de Silver Jews. Il insuffle ainsi un certain flegme qui apporte un éclairage nouveau sur ce style parfois autarcique et redondant.

Ne vous y méprenez pas pour autant, Adams n’est pas un je-m’en-foutiste de plus qui prend tout à la légère. Il est des sujets pour lesquels sensibilité et retenue restent de rigueur. Lorsqu’il évoque « I drank too much to get a thirst for life » – encore une histoire d’amour déchu – épaulé par un tambourin et un timide accordéon, Adams se fait particulièrement touchant. Ou lorsque des choeurs enveloppent sa voix soudainement apaisée sur « Hello Baby ». A l’arrière plan, une guitare saturée, d’abord discrète, finit par avoir le dernier mot, tout comme la colère prend parfois le dessus sur la mélancolie. Ou enfin sur « Starsign », ballade résumée à quelques accords, mais touchée par la grâce via un phrasé entêtant et un texte amer : « you and your starsign can fuck off ». Cette merveille de simplicité comporte par ailleurs un morceau caché, où une guitare presque noisy et des claps naïfs accompagnent des paroles faussement mégalo (« people gonna hate you if you break my heart »). Une pirouette de plus pour ce chanteur touche-à-tout, qui donne le ton sur son espace perso : « Next year it will be noisy, at the moment it’s quite folky ». Noisy en effet, comme sur « I can do nothing », qui rappelle le son de Yo la tengo période Painful.

Adams, au sein de sa nouvelle famille improvisée, survole un certain répertoire influencé par la country et le folk, et se moque des clichés. Peu importe si « New southgate love song » a un côté second degré, avec son banjo métallique. Ou si l’interlude « The mayor » joue les torturés jusqu’à la dissonnance. Problems réconciliera les fans de Palace et les mordus d’Andrew Bird – notons au passage l’étrange parenté de leurs pochettes respectives, mini-bestiaire surréaliste. Car Adams sait poser sa voix sans faire de concession à son écriture fine. Un bon disque, magnifié par l’humilité évidente d’un Adams qui chante.