Avis à tous ceux qui avaient aimé le précédent opus de ce spectaculaire trio texan : allez-y les yeux fermés. Avis aux autres : mieux vaut tard que jamais!
La dernière salve des Secret Machines est plutôt rassurante pour ceux qui avaient parié sur leur longévité. La qualité est toujours au rendez-vous. Souvenez-vous, le premier album plaçait déjà la barre assez haut, avec une musique plutôt persona non grata pour les ondes radio et télé européennes, et ce malgré l’apport d’une major telle que Reprise/Warner. Avouons que leur album était sacrément bien fichu, savant mélange de My Bloody Valentine, de rock progressif et d’un rock lorgnant vers les premiers Dandy Warhols. Les anglo-saxons y voyaient d’ailleurs – et d’autant plus aujourd’hui – un des tenants du nouveau prog rock (« I want to know if it’s still possible » se range à cet avis).
Après une année passée à tourner en agréable compagnie d’Interpol, le trio texan comprenant deux frères and co (Brandon et Benjamin Curtis, Josh Graza) n’a, à en juger par le livret et la photo panoramique de Big Apple en background, pas déménagé pour autant depuis son arrivée à NY. Ni pris la grosse tête ou suivi la mode, à part peut-être celle d’Interpol justement, côté vestiaire et coiffure. Mais qu’on ne s’y trompe guère, leur musique n’a pas grand chose à voir les assauts post-punk des New Yorkais.
Histoire de mettre toutes les chances de leur côté – encore une fois -, et d’assouvir un goût de la perfection tout Spiritualizedesque, les lascars se sont payés deux montures de choix : Brandon Mason (David Bowie, Heather Nova) et surtout Alan Moulder (U2, Depeche Mode, Nine Inch Nails et surtout le fameux Loveless de MBV).
La marque de fabrique n’a pas changé pour autant : un son brut, travaillé, puissant, efficace, intense, une amplification sonore poussée à son paroxysme… les titres défilent comme autant de bombes bétonnées, sentant bon le rock psychédélique. On hésite cependant à définir le son de ces machins secrets : est-ce la raison pour laquelle ils deviennent si attachants ? On ne sait trop en fait. Cela importe-il après tout ? Disons, pour tenter d’être plus clair, que leur musique se fait sentir surtout par son absence car on se retrouve alors en état de manque.
Une chose est évidente : The Secret Machines joue aux pique-assiettes mais garde sa propre personnalité (qui va jusqu’à évoquer les schyzophrénies des Flaming Lips). Tout cela nous donne une sacoche bourrée de références bien digérées, qui les apparenteraient à Death Cab For Cutie, après une dose de dopants.
Pas la peine de chercher des pépites ou une pierre angulaire sur l’album car les titres sont bien agencés : rien ne se zappe, et on ne s’ennuie pas le moins du monde. Avec huit titres, on peut faire la fine bouche mais certainement pas les taxer de charlatans tant le contenu est copieux. Certains titres auraient pu figurer sur le précédent Now here is nowhere, tel les très efficaces envolées rock « Lightning Blue Eyes » et “Faded Lines”.
La superbe mise en place d’arpèges mélancoliques sur le lancinant « Alone, Jealous And Stoned » impressionne par sa force émotionnelle. « All At Once (It’s Not Important) » sonne comme une cavalcade rock vers l’inconnu, dont le maniérisme atteint parfois les limites du pompier, accentuant cette impression d’amour/haine qui nous lie à ce trio.
La pièce de résistance se nomme “Daddy’s in the Doldrums”, une spectaculaire marche space rock culminant sur plus de huit minutes de tension maintenue. Tout comme And You Will Know Us By The Trail…, les Secret Machines n’ont pas peur de la grandiloquence sans jamais sombrer jamais dans le nombrilisme technique et c’est certainement ce qui les sauve. Enfin, la huitième plage se veut plus cotonneuse avec une mélodie lunaire et ( enfin !) des choeurs dans la lignée des Flaming Lips. La variation de thème est légère, mais se fait tout de même sentir.
Enfin, notons la précision toute alchimique de la batterie, mastodonte qui prend chez ce spectaculaire trio toute sa raison d’exister. « I hate pretending » est une leçon en la matière, en sus d’en être une d’humilité.
Un disque qui donne deux envies : l’écouter en boucle et ressortir le précédent.
– Le site de Secret Machines