Ce duo de parfaits inconnus délivre une précieuse pépite que l’on dirait extraite de la mine indie-pop-rock déjà exploitée, entre autres, par Grandaddy et The Shins.


Un nom de groupe absurde, une pochette de disque ringarde (on y découvre un tractopelle rouge et un loup gris sur fond vert et bleu pisseux, dénotant d’un graphisme peu attractif, à moins d’avoir pour les travaux publics et les mammifères carnivores une folle passion) et un titre énigmatique : a priori tout indique que Don’s Mobile Barbers n’a que faire d’attirer le chaland. Mais que peut-il bien se cacher derrière ce visuel basique peu avenant ? Certainement pas quelque métaphore censée aiguiller l’auditeur (genre l’homme est un loup pour l’homme, la machine/progrès l’ennemi de la nature), et encore moins un groupe abscons. La formule est connue, mais vaut d’être répétée : les apparences sont souvent trompeuses. Car quelques secondes suffisent pour comprendre que la musique de ce duo se situe en réalité aux antipodes de ce mauvais goût affiché : accessible, humble, mélodieuse, radieuse, son pouvoir est immédiat et tenace.

DMB a vu le jour en 2001. Ce groupe originaire de Leicester est constitué de Mat Bartram et Rob Dobson, tous deux âgés de 26 ans, multi-instrumentistes dilettantes et auteurs de deux albums : Don’s Mobile Barbers (2004) et Don’s Mobile Barbers version two point zero (2005). Leur emboîtant le pas, Boom Times ! est une courte oeuvre (33 minutes) aux contours artisanaux appliqués, qui semble avoir été enregistrée dans une chaleureuse maison à l’abri des turpitudes du monde, avec plus d’idées que de moyens. Pour autant, nul doute que DMB est un groupe aux oreilles curieuses et attentives, soucieux d’apporter une pierre à l’édifice de la modernité. Leur musique laisse filtrer d’ailleurs une multitude de références actuelles dont on serait bien en peine d’épuiser le fond. Grandaddy (période The Sophtware Slump), The Shins, The Flaming Lips (période Yoshimi Battles the Pink Robots) apparaissent tout de même comme les principales sources d’inspiration du duo, les balises sonores les plus susceptibles de servir d’ancrage à des chansons pop particulièrement instables, parfois malmenées par des courants impétueux, le plus souvent soumises à d’émouvants chavirements.

Cette versatilité n’est pas la moindre des qualités de Boom Times !. Tout comme le trop méconnu Thee More Shallows (auteur il y a deux ans d’un excellent album, intitulé More Deep Cuts), DMB alterne les ambiances pastorales sans boussole, avec le souci d’atteindre un territoire émotionnel vierge de tout sentimentalisme béat. L’introspection, à laquelle est portée le groupe sur la plupart des titres, ne vire pas à l’épanchement dépressif en raison d’une vitalité jamais mise à défaut qui évite ainsi tout statisme égotique. Le malheur est un état de fait qu’il s’agit de dépasser dans l’action et la réflexion a posteriori, tel que le signifie le beau “Can’t Get Away With Anything”, morceau d’abord mélancolique, puis soudainement rock lors de l’apport d’une guitare électrique rageuse, et enfin méditatif quant l’énergie du désespoir retombe et les synthés envahissent l’espace.

Les fêlures n’appellent aucun apitoiement ni complaisance. La musique est une perpétuelle course en avant, avec son lot de surprises et de revirements. La constante inventivité des arrangements illumine la part sombre de vies cabossées, tandis que la richesse des instruments et la beauté des mélodies donnent à ces morceaux d’existence défaite une ampleur insoupçonnée tout en nous bouleversant. Alternant pièces courtes, enchaînées sans rupture de continuité, et chansons plus épiques, DMB creuse son trou sans trembler pour ramener à la surface un peu de cette terre, noire et fertile, dont sont faits les hommes.

– Le site de Don’s Mobile Barbers.

– A écouter : “Tried To Explain”, “Start It All Again”.