Absent de la circulation depuis six ans, l’hybride Merz s’est mué en songwriter précieux, livrant une oeuvre personnelle matinée de folk songs modernes et faussement dépouillées.


Etrange parcours que celui jalonné par Conrad Lambert, aka Merz. Trimballé durant son enfance aux quatre coins du globe (ses parents vivent en Mongolie, sa grand-mère à Babylon… Long Island), ce citoyen du monde fut révélé en 1999 par un audacieux premier album mêlant pop avec sonorités électro dansantes et quelques doses de dub. L’avenir s’annonce alors radieux pour lui qui se voit sollicité dans les plus grands festivals d’été et côtoyer les sommets des charts britanniques. Et puis plus rien. Depuis 2000, Merz n’était plus référencé sur le cadastre du département music business. Une retraite assez surprenante au vu du joli succès rencontré par ce premier essai. On le disait reclus dans sa province natale du Yorkshire, dégoûté par la pression infligée par sa maison de disque Epic.

Nul besoin d’avoir fait de longues études en psychologie pour saisir que six années de silence peuvent changer la vie d’un homme, et sa musique a fortiori. C’est le cas de Merz qui, désormais, ne voulant plus jouer le jeu despote des majors s’est réfugié dans le giron indépendant. De retour sur un label plus chaleureux, (quoique, celui-ci se nomme Groenland), c’est un musicien sédentaire et intimiste qui se présente à nous. Les rythmes dansants ne sont plus du voyage. L’homme a délaissé ses beats urbains pour des sonorités folk modernes, empruntes d’une certaine mélancolie.

L’époque de la surenchère de textures dance/électro est désormais révolue, Loveheart n’en demeure pas moins un disque très dense. A vrai dire, le seul lien qui persiste avec son prédécesseur reste ce chant si particulier aux intonations légèrement reggae. Les complaintes de Loveheart, terriblement mélodieuses, pourraient se suffire d’une guitare sèche, mais sont rehaussées par une production ingénieuse et foisonnante, n’hésitant pas à croiser les genres entre folk, électro et world. En multi-instrumentiste complet, Merz peut se permettre en studio de vaquer d’une piste à l’autre. Guitare acoustique et électrique, piano, ukulélé, Wurlitzer, mandoline, harmonica et programmations tous azimuts font partie de son vaste panel d’action. Il s’est adjoint dans sa tâche quelques mains habiles : le producteur Bruno Ellingham (ingénieur du son pour New Order, Moby), ainsi que le claviériste John Baggot (Portishead), le bassiste de Goldfrapp Charlie Jones, ainsi que le songwriter écossais Even Johansen (Magnet) à la guitare lap steel.

Loveheart porte bien son nom, notre musicien au coeur d’or a visiblement subi quelques déceptions sentimentales qui ont fourni la matière première à l’exécution de son second LP. oeuvre cohérente et brillante, Loveheart étonne par son aisance à provoquer des rencontres improbables. A ce jeu là, Conrad Lambert peut se vanter de faire une musique sans étiquettes. Sur “Postcard from a dark star” superbe entrée en la matière, le garçon nous fait des confidences, entouré d’un piano poussiéreux et d’arrangements nébuleux. Autre réussite, le stupéfiant « Verily” est une mélopée baroque évoquant certaines partitions latines d’Ennio Morricone. Chanteur au grain identifiable entre mille, on retrouve également chez Merz la veine habitée d’un Joseph Arthur, notamment lorsqu’il gratte quelques cordes nylons tout en trafiquant ses petites machines et autres boites à rythme (“My name is sad and at sea”, “The Leaving Song”). L’affilier à Tom Waits, voire Peter Gabriel pour ses incursions world débridées ne serait pas non plus déplacé.

Mais loin de cette habile mixture de styles, c’est surtout l’émotion qu’on retient au final sur Loveheart.

-Le site de Merz

-Le site du label Gronland