Mike Skinner livre son troisième album au summum de la gloire. A l’en croire, ce n’est pas facile tous les jours. A l’écouter non plus…


Mike Skinner a débarqué, il y a de ça 4 ans, au bon endroit et au bon moment. Dans une Angleterre de gauche mais si peu, le hip-hop en col bleu ou blanc n’avait pas encore à proprement parler de porte-parole. A l’instar de la série qui fait un carton outre-Manche (Eastenders), The Streets étale les malaises et autres soucis quotidiens de la classe prolétaire blanc bec anglaise. Etalait devrait-on ajouter, car la planche à billets a bien opéré depuis pour ce Shakespeare de la poésie urbaine.

Mettant en avant un accent qui semble piqué au dessin animé british de chez british qu’est Wallace & Gromit, Mike Skinner peut être considéré comme l’enfant des Stereo Mc’s du nouveau millénaire. Il a redoré le blason du hip-hop made in UK et lui a ouvert une voie royale, loin du désormais cliché outre-Atlantique meufs/keufs. Imaginatif pour ses pochettes et ses clips, The Streets est devenu très vite un incontournable de cette nouvelle scène brit hop, mais pas seulement.

Mais voilà, l’effet surprise du premier album (Original pirate material) et la confirmation mi-figue mi-raisin du deuxième (A grand don’t come for free) nous laissent dubitatif, ou pour le moins appréhensif face à un troisième album. Le bonhomme le sait bien, et n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers, ni à s’en foutre (dieu sait pourtant combien le mot fuck tourbillonne dans ses textes). Force est de constater qu’il s’est pourtant un peu essoufflé car tout semble avoir été dit et exploré dans son aire de jeu favorite. Reste le décorum. Outre les boucles drum & bass usées jusqu’à la corde (« Can’t con an honest John »), Skinner a opté pour le «know how» américain. Pour ce faire, il voulait s’offrir Snoop Dogg… Faute d’avoir pu concrétiser la chose, il essaie, sans dogfather (non, ce n’est pas une coquille), de marcher sur ses platebandes (« Memento Mori »). Le résultat, à défaut d’être toujours convaincant (le très soupe R & B « All goes out the window » – comme c’est vrai !), a le mérite de souligner un désir de changement.

Mike Skinner s’est remis en question, et ses textes s’en ressentent. Il n’y est plus vraiment question de sa précarité (mot à la mode) mais plutôt des aléas – nouveaux pour lui – qui accompagnent la célébrité (la sienne en l’occurrence), quand ce n’est pas carrément la mort (« Memento Mori »). Paranoïa (« Fake streets hats », où il s’en est pris au public du pukkelpop en 2004 pour des soi-disant fausses casquettes à son effigie, vendues pourtant par son propre stand… « not very nice to feel depressed and violent »), pression continue, articles dans la presse sur ses écarts (alcool, drogue, jeux) : pas facile d’être une star au pays des tabloïds semble-t-il. Le titre de l’album et les photos du livret en témoignent également. « When you wasn’t famous », sur des rythmes enjoués, semble peser le pour et le contre. Pas mal de problèmes qui foutent le camp, pas mal d’autres qui se présentent. Résultat des courses : Skinner ne semble pas apprécier tant que ça sa vie actuelle, et c’est peu de dire qu’il broie du noir.

Cela se ressent malheureusement au fil des titres qui défilent, et on est in fine mitigé à vrai dire…le modus operandi musical se mord parfois la queue, vu et revu qu’il est désormais (« Fake street hats »). Quant à Skinner, son accent typique, qui pouvait séduire, fatigue par moments, tout en séduisant encore à d’autres, car le flow est toujours aussi impressionnant, débité en abondance comme une mitraillette surexcitée (« The Hardest way to move » en témoigne). Au rayon innovations, on notera les jolis choeurs (The wayne hart singers) de « Never went to church », où la boucle nostalgique sur « Two Nations », deux ballades qui sont également les titres phares de l’album. C’est peu, et ça ne suffit pas à relever le niveau général. Qui l’eut cru ? Des ballades pour relever le niveau ? Comme quoi le rappeur se fait bel et bien de plus en plus poète, et de moins en moins urbain. Et on peut s’autoriser à penser qu’il doit être tiraillé entre ses envies (ballades) et ses obligations. Mais ceci n’est que supputations…

– Le site de The Streets