Un rock obscur qui s’autorise de belles envolées de guitares aériennes. Il n’en faut pas moins pour révéler cette jeune formation anglaise.


A l’instar de Filmschool ou encore Bikini Atoll, Redjetson s’inscrit parmi cette relève aux accents épiques qui suit les traces épaisses laissées par les emo post-rocker d’Explosion in the Sky et ce prêcheur fou de Josh Pearson (Lift To Experience). Souvenez-vous en 2001, l’autre séisme non négligeable (on passera les détails du premier) fut provoqué par ces deux formations originaires du Texas, un cratère sur le paysage du rock alternatif US. Si, a contrario d’Explosion In The Sky, Lift To Experience n’a jamais rencontré la reconnaissance publique et sombré bien vite dans les abîmes du rock, le culte voué à The Texas Jerusalem/Crossroads a depuis incontestablement provoqué une poignée de vocations. Aux dernières nouvelles, le concert solo de Josh Pearson à la Flèche d’or, donné il y a quelques mois, nous révélait un homme toujours en proie à lutter contre ses démons. Que dieu lui vienne en aide.

Pour déployer une telle puissance exacerbée digne de ces modèles, mieux vaut s’adjoindre de renforts. Redjetson, jeune combo issu du comté de l’Essex (banlieue nord-est de Londres), ne compte pas moins de six membres en son sein, dont – tenez-vous bien – trois guitaristes. Une combinaison dans le domaine de la fusion post-rock qui laisse rêveur : des mélodies claires qui marchent en équilibre sur un fil tendu, une distorsion brûlante et dissonante capable de courses effrénées lorsque le moment de s’engager s’en ressent.

Ce baptême du feu – accueilli à bras ouverts par les esthètes du label bordelais Talitres (Idaho, Wedding Present, The Organ) – ne manque pas d’élégance en dépit de quelques erreurs que l’on mettra sur le compte de la jeunesse impatiente. La plus notable faiblesse, c’est que New General Catalogue ne devient prenant qu’à partir de la troisième plage. Les 7 min 40 sec de l’inaugural “Divorce” (drôle de choix pour une première rencontre) nous laisse malheureusement de marbre. Leur formule, entre shoegazing déprimé et crescendo post-rock, manque de consistance. Et c’est véritablement regrettable.

Ce n’est qu’à partir de “This, Every Day, For The Rest Of Your Life” que notre sextet se rattrape enfin et démontre une sérieuse capacité à déployer un lyrisme autour de guitares consumées. Avec trois titres dépassant la barre des 7 minutes, Redjetson aime décidément préparer le terrain avant de se tirer position en joue. Le scénario à triple manche de Redjetson n’est certes pas neuf mais a fait ses preuves et se déroule sensiblement en deux actes : tout d’abord on prend lentement le temps de cerner les acteurs avant de compliquer ensuite sensiblement la trame de l’histoire. “This, Every Day, For The Rest Of Your Life” démarre ainsi par des arpèges résignés, superbes, peinant à cacher une colère désespérée. Le chant s’efface peu à peu à mesure que le larsen prend du terrain et s’ensuit un enchevêtrement de cordes mélancoliques aiguës, une tempête de larsens guidés par une batterie avançant tambour battant dans la bataille. “…. The Sky Is Breaking” et “Wednesday’s Rivals, suivent cette trajectoire avec le même succès.

Plus enclin à provoquer l’urgence, le superbe “This City Moans” démontre que Redjetson est également capable de serrer la mécanique, digne d’Interpol. Quelques digressions instrumentales originales (une trompette Melvillienne sur “New Europe”) laissent supposer que Redjetson réserve encore quelques surprises. La voix de Clive Kentish, manque encore un peu de caractère, mais on le sait déjà capable de tenir à bout de bras quelques belles envolées. Ne gâchons donc pas notre plaisir, tout cela est définitivement prometteur et déjà une réussite.

-Le site de Redjetson

-Redjetson sur le site Talitres

-Quelques morceaux en écoute sur myspace