Ce trio anglophile nous introduit dans son univers de velours. Des pop-songs ourlées comme des bijoux anciens : précieuses et mélancoliques.


Il est des groupes qui nous semblent d’emblée familiers, capables de provoquer un assentiment immédiat via un entrelac de mots et de notes amies. Des groupes qui savent s’approprier tout un héritage musical et autant de références, sans tomber dans le plagiat facile. Diving with Andy est un de ceux-là, et fait son entrée en catimini dans notre panorama musical.

Une étrange impression – qui a sous doute un rapport avec une alchimie heureuse – nous saisit dès l’écoute de « Andrew » qui ouvre l’album de ce trio fançais. Une musique fluide, douce et évidente jaillit de cet assemblage réussi, qui doit beaucoup à une certaine pop douce-amère. Un brin sixties – on imagine aisément la moue boudeuse de la chanteuse et la douce nostalgie de rigueur – un zeste trip-hop, le tout porté par des mélodies élégantes. La magie opère quasi-immédiatement et nous voilà transportés dans un voyage immobile, ponctué de rêveries kaléïdoscopiques. Des violons un peu désuets en guise d’introduction, « Andrew » se présente en effet comme une parfaite ballade pop, coquet petit cocon aux arrangements léchés. On pense rapidement à Broadcast ou à Crustation, formations anglosaxonnes capables de faire naître un univers cotonneux autour d’une voix féminine, chaude et éraillée juste ce qu’il faut pour provoquer une surprenante addiction. L’accent impeccable de la chanteuse Juliette Paquereau ne fait que confirmer cette suave impression. Un morceau sucré, avec cette pointe d’amertume que possèdent les meilleurs bonbons. Une nostalgie savamment entretenue à coups de guitares tout droit sorties d’une surprise-party et cette rythmique métallique propice au discret déhanchement. Parfait pour faire connaissance dans une ambiance feutrée.

« Manderley » joue la continuité, avec son orgue rétro et mélancolique. Des violons viennent enrober la douce complainte d’une fausse déracinée : « I’m not gonna stop till I find my way back, find my way home ». Parfaitement agencés, les instruments se relayent à merveille (orgue, guitares, violons) et se superposent enfin à la manière d’une sérigraphie d’Andy (Warhol), pape underground qui veille avec malice sur ce bijou pop. « October in May » se veut plus rêveur encore – sinon poussif, car la jolie voix se teinte par instants d’accents traînants. La chanteuse se fait le luxe d’un « You’re here and I… don’t care », à la manière d’une ingénue qui cherche à séduire par une indifférence feinte, ou, mieux encore, par l’utilisation de quelques barbarismes : « I have my stomach in my feet ». Vraiment charmant.

Pour casser cette image de papier glacé issue d’une certaine mythologie sixties, Diving with Andy se fait violence en variant (un peu) son répertoire. « Where does it lead ? » par exemple s’éloigne volontairement des sentiers battus et néanmoins fertiles d’un revival actualisé. Riffs métalliques et violons accompagnent la chanteuse, qui gagne en assurance dans ce morceau bâti sur un réseau de contre-temps, et côtoie de près Suzanne Vega. Sur « Wasted time », une voix masculine tout en subtilité surgit, pour parvenir à un duo réussi. Même une guitare hypnotique et une batterie binaire sont convoquées pour bousculer ce microcosme ouaté, flirtant avec le folk-rock assez consensuel d’Alanis Morissette. « Feeling insecure » dit le titre, comme pour nous rappeler que le monde dans lequel nous plongeons n’est pas exactement celui de Oui-oui. Il arrive même que l’on s’y sente « Unsure » : « not sure to like, not sure to fight, etc. » bref autant de questions existentielles qu’il vaut mieux laisser de côté pour se délecter pleinement des envolées grandioses des violons, terrain de jeu habituel de Björk. Enfin, « Wishing I could taste » est un clin d’oeil un peu facile à l’heure de gloire de la pop : l’inséparable duo guitare/piano offre une énième version d’un standard des Beatles, avec le break attendu au piano et le fondu final d’un morceau qui pourrait s’éterniser. Tant d’application finit par friser le second degré et ne comporte pas vraiment d’intérêt, sinon celui de cloturer l’album sur une ambiance plus légère.

Outre quelques maladresses, ce premier album a le mérite de dessiner diverses perspectives réellement prometteuses pour ce jeune trio soucieux du détail. Certes, plusieurs morceaux pèchent par ce manque d’inventivité qui systématise le recours à une certaine langueur ou aux nappes de violons – comme sur « Dear » ou « The waltz », qui ne font qu’apporter un peu d’eau au moulin du trip-pop. Saluons toutefois la finition exceptionnelle des arrangements et la beauté vibrante des mélodies d’un album qu’on écoute avec un réel plaisir.

-Le site officiel de Diving With Andy