Un petit génie nous fait visiter sa caverne d’Ali Popop, une cachette qui cumule depuis plus de 40 ans des merveilles disparues des Burt Bacharach, Zombies, Harry Nilsson et Grandaddy. Sesame, ouvre toi !


Oyé Oyé, gentes damoiselles et nobles lecteurs, nous nous devons de vous communiquer une information de la plus haute importance : la confrérie pop des « bourrus timides » vient d’accueillir en ses rangs un nouveau compagnon. Après Elliott Smith, Ron Sexsmith, Richard Swift, Joe Pernice et Badly Drawn Boy, voici venu le tour de Brian Christinzio alias B.C Camplight un jeune homme de 25 ans nationalisé américain (Philadelphie).
Mais au fait, quels sont les critères d’excellence pour adhérer à cette prestigieuse confrérie ? En premier lieu, requérir un physique de gentil nounours cachant une voix douce (un peu de barbe et un bonnet tricoté par mami Mougeot seront des options facultatives appréciées par le jury). Pour les aptitudes de songwriter, privilégier les matières nobles et chaleureuses, et bien sûr un talent hors du commun pour les mélodies.

Si parmi cette confrérie notre cœur a toujours balancé pour le défunt Smith, reconnaissons que B.C Camplight compte davantage d’affinités vocales avec l’anglais Badly Drawn Boy, moins régulier mais capable de belles choses lorsque l’inspiration est au rendez-vous. Pianiste depuis l’âge de 4 ans (il joue de la plupart des instruments sur ce disque), cet ancien capitaine de l’équipe de foot de son collège dit aimer George Gershwin, Burt Bacharach, et Todd Rundgren. Existe-t-il un lien entre la discipline sportive la plus brutale sur Terre et l’élégance absolue du chant de Dionne Warwick flottant sur “I’ll Never Fall in Love Again” ? Il semblerait que BC Camplight en soit le fruit improbable.

Ne partez pas en courant, Brian Christinzio n’a rien gardé de son passé de quaterback bodybuildé. Ces chansons sont à des milliards d’années-lumière de toute brutalité, haine et guerres. Non, son petit monde vénère la pop vêtue de ses ornements les plus dorés : l’élégance des Zombies, la bossa chic de Burt Bacharach, les harmonies sensibles d’Harry Nilsson et la lo-fi ambitieuse de Jason Lytle. Les claviers bradés des délicieux “Blood and Peanut Butter” et “Oranges in Winter” ressemblent en effet à du Supergrandpappy, du moins à celui qu’on n’a plus eu l’occasion d’entendre depuis The Sophtware Slump. Sur les onze titres, BC Camplight s’avère être un romantique album aux paroles parfois morbides, mais celles-ci ne font guère d’ombre à ses mélodies lumineuses, maquillées de son savant goût pour les arrangements polis : quelques sublimes cordes viennent apporter un peu de chic à ses drôles de synthétiseurs.

Lorsque son ami l’écureuil de la pochette le rejoint assis sur la branche, B.C Camplight n’oublie pas non plus d’apporter sa guitare folk : tous deux s’amusent à balancer des noisettes sur Badly Drawn Boy, un joli tour (“If You Think I Don’t Mean It”). Limite torch song, “Hide, Run Away”” est un petit trésor, sensible et baroque, perdu dans une forêt dense, cette si riche réserve naturelle de Pet Sounds. On tutoie parfois le génial, tel ce « Parapaleejo », piqué tout droit du Odessey & Oracle des mort-vivants de l’Essex. Bien que le charme perdure légèrement moins sur la fin, Hide Run & Away marque les esprits le temps d’une bonne poignée de popsongs léchées.

Tel son ami l’écureuil (qui semble avoir de sérieux problèmes d’excroissances ceci-dit), on a fait les provisions de noisettes pop pour le reste de la saison, il restera donc très peu de place pour les éventuels prétendants à venir.

– Le site de B.C Camplight