Ce dix-neuvième album d’Enrique Morente, oeuvre inclassable et superbe, d’abord conçue pour servir de bande sonore à un documentaire sur le « cantaor » réalisé par le cinéaste José Sánchez Montes, prouve une fois encore que, loin d’être une musique ancestrale sclérosée, le flamenco est au contraire une des plus vivantes d’Europe. Et Enrique Morente un de ses plus illustres et fervents rénovateurs. Morente sueña la Alhambra puise sa féconde matière sonore autant dans la tradition flamenca que dans une avant-garde indéterminée qui verrait dialoguer les univers musicaux aussi variés et pléthoriques que ceux de Robert Wyatt, Astor Piazzola, Pat Metheny, Ute Lemper, Tomatito, Cheb Khaled… Si les deux premiers de cette liste non exhaustive sont absents du disque – Wyatt étant évoqué par moments lors d’étonnantes expérimentations vocales et Piazzola forcément repris -, tous les autres musiciens cités sont venus prêter main forte au maître andalou. Mélangeant comme à son habitude chansons populaires et adaptations de grands poètes espagnols, Morente a enregistré cet album à partir de réminiscences personnelles suggérées par l’Alhambra, le monument nazarite de Grenade devant lequel il chantait enfant pour des touristes sans doute déjà médusés. Comme ces gouttes d’eau venues d’un temps enfoui donner vie (et du rythme) au magnifique morceau “Generalife”, Morente sueña la Alhambra puise sa source dans la mémoire et éternise la grandeur d’un flamenco étranger à toutes les modes.
– Le site officiel de Enrique Morente.