Formation au nom improbable (Aigle* Mouette) et aux membres nombreux, Eagle*Seagull évoque carrément tout le rock indépendant américain, et plus si affinités.


Eagle*Seagull bénéficie déjà d’une bonne réputation, qui tient tout d’abord aux comparaisons ou espérances que certains journalistes leur ont mis sur le dos : Arcade Fire, Wolf Parade, Interpol, The Dears, Bright Eyes, Grandaddy, Pavement… Le groupe n’aime pas trop – et on le comprend – cette catégorisation, car il a l’impression qu’on le noie dans une masse anonyme ou un effet de mode. Convenons de ceci, étant dit qu’il y a pire comme sac à dos à se trimballer.

Dès le premier titre, « Lock and key », avec cette intro très longue et la voix posée sur des nappes de synthé, puis ce crescendo guitares/bricolage électro très élaboré, on comprend qu’on est à l’écoute d’un grand groupe et d’un premier chef-d’oeuvre, à l’instar des précités et de Radiohead. Avec « Photograph », force est d’admettre que la comparaison avec Arcade Fire tient tout à fait la route, avec ses envolées violonistiques parsemées de guitares qui s’emballent. Et puis surtout, la voix du chanteur, comme sur le fil du rasoir avec des pointes aiguës, évoque Pulp, mais aussi Thom Yorke ou Wolf Parade. Que de références donc, et on s’en voudrait d’oublier la plus évidente, en tout cas dans les influences : Pink Floyd.

Originaires du Nebraska, les sept membres aux bouilles d’Arcade Fire (Eli Mardock au chant, son frère Luther Mardock à la guitare, J.J. Idt à la guitare et banjo, Britt Hayes à la batterie, Mike Overfield à la basse, Carrie Butler au violon et claviers) de E*S forment en 1994 The Good Looks. Ils changent le nom suite aux sessions d’enregistrement bon marché du producteur Ian Aeillo. Pensant sonner comme une mouette venue de l’enfer (Evil Seagull, flagrant sur “Lock and Key”), ils décident de s’appeler ainsi mais l’alcool – disent-ils – en a décidé autrement. Quand à l’étoile, elle fait office de guirlande (un peu comme Stellastar* en somme, avec qui ils ne partagent pas que cet attribut). Ceci dit, le fait que les deux oiseaux soient ennemis jurés ne fait que les conforter dans l’opinion qu’il s’agit d’un nom… d’enfer.

« It was a lovely parade », avec ses petites mélodies tarabiscotées est touchant à souhait, avant que “Holy” ne nous fende le coeur. Toutes les références de l’indie viennent à l’esprit, ainsi que les labels Sup Pop et Saddle Creek. Pas étonnant : ils ont fondé leur propre label, “Paper Graden”, avec un certain Bryan Vaughan, qui a traîné ses savates dans les deux labels susmentionnés. La première signature – et la seule jusqu’à présent – est la leur. Quelle signature ! a-t-on envie d’ajouter.

Rien à faire, la plupart des morceaux évoluent sur des terrains très frais (« Your beauty is a knife i turn on my throat ») aux paroles déjantées qui surfent sur la vague salvatrice de l’indie des grands lacs et des états paumés nord-américains. On a souvent l’illusion de se trouver dans un vieux cabaret western (« Last song ») où un chanteur nous conte ses mésaventures bourrées d’émotion et de motion, sur fond de piano (très présent sur la galette). Le final « Ballet or Art » est très beau, plein de mélancolie, avec des feux d’artifice – au propre – et des applaudissements et cris – au propre aussi – qui éveilleront chez chacun une pointe de nostalgie figurative (un peu comme la pochette), portée par le chant passionné à fleur de peau d’Eli Mardock.

Les arrangements sont d’une richesse rare pour un premier album, et témoignent d’une maîtrise dans l’écriture et la performance assez bluffant. Thanks for the memories et parions qu’ils feront partie des listes de fin d’année.