Maîtrisant de mieux en mieux leur affaire, le second opus de ce quintette indie-rock par excellence – et féminin – manie déflagrations rock et poses arty punk. Entre Sleater Kinney et le premier album des Raincoats.


Cas délicat que celui des Pretty Girls Make Graves. Pour remettre les choses dans leur contexte, leur second opus The New Romance (2003) ne nous avait pas vraiment mis les sens en éveil. Malgré des critiques élogieuses qui nous firent froncer le sourcil curieux, le ciment de l’entente n’a tout simplement pas pris une fois le disque consommé. Sans dégoût ni passion, nous étions tout bonnement incapables d’écrire là-dessus ou de porter un jugement tranché. Une situation agaçante pour notre condition entretenue de grande gueule rédigeant des chroniques de disques à profusion. On l’a donc rangé dans un coin, avec en tête d’y revenir le moment propice. Parfois l’écoute d’un disque n’est qu’affaire de timing et d’état d’esprit en adéquation. Le rapport que l’on porte à certains disques est parfois étrange : on en renie certains puis réévalue la chose, tandis que d’autres vénérés autrefois nous font maintenant l’effet d’un poil à gratter dans le dos…

Voilà peu, on a de nouveau franchi le pas et ressorti The New Romance du placard, histoire de vérifier qu’on avait peut-être manqué quelque chose il y a trois ans. Installé confortablement dans le fauteuil club, casque sur la tête, un cigare à la main et un thé glacé dans l’autre, toutes les conditions cette fois étaient optimales pour prendre d’assaut cette forteresse rock. On appuie sur la touche « play » de la platine CD, la battaille commence… 40 minutes plus tard, le verdict est sans appel : ça ne le fait toujours pas ! Définitivement fâché, on capitule cette fois pour de bon.

Enfin… pas trop vite, le dossier n’est pas vraiment classé. Car à l’heure de la sortie imminente de leur troisième opus, le démon du critique rock ne rendant jamais les armes surgit à nouveau. Après avoir harcelé de milliers de coups de fil l’attaché de presse pour nous faire parvenir le dernier exemplaire promo gardé précieusement dans son tiroir, on décide de retourner au charbon. Miracle, cette fois le timing semble être le bon.

Compromis entre la déflagration noisy d’un Sleater-Kinney et la pop arty dissipée du premier album des Raincoats, ce groupe paritaire originaire de Seattle a enfin trouvé à nos yeux l’équilibre parfait sur ce Elan vital. Les temps changent, et les Pretty Girls Make Graves (quel étrange nom tout de même) se disent donc portés par un nouvel « élan ». Celui-ci étant en bonne partie dû à l’addition de la claviériste et occasionnellement vocaliste Leona Marrs. La nouvelle recrue a intensifié leur sensibilité mélodique et la variété d’instruments. On constate rapidement que le chant d’Andrea Zollo est plus docile et ne rechigne plus sur quelques harmonies vocales doublées, bien que l’approche instinctive prédomine toujours. Le cas de “Parade”, certainement leur morceau le plus pop à ce jour, donne l’illusion d’un New Pornographers sous amphétamines. Désarmés, ils laissent même échapper une véritable perle précieuse atmosphérique et fantômatique, “Pearls On a plate”.

Phil Ek a dû céder son siège de producteur sur Elan Vital à Colin Stewart (Destroyer, Black Mountain) qui a eu la lourde tâche de rendre audibles leurs collages d’instrumentaux antagonistes au genre rock. Et le tour de force n’est pas évident : “The Nocturnal House” fusionne une rythmique dub à un mélodica, un accordéon intégriste vole la vedette à des guitares pourtant chauffées à blanc sur “Selling The Wind”, sans oublier les interventions ici et là de trompettes hantées (“Interlude”). Toute cette variation improbable de tons donne par moment l’impression que dépasse de leur futal l’étiquette un peu trop évidente de « groupe arty rock indépendant à la mords-moi-le-noeud».

Heureusement, leur solide base « guitare/basse/clavier/batterie » tend à consolider les douze titres de ce disque, tiraillé entre concision rock et instrumentation débridée. Tout comme leur cousine britannique d’Electrelane, PGMG n’est jamais aussi persuasif que lorsque leurs morceaux invoquent l’insurrection et l’urgence (Pyrite Pedestal). Dans ces moments de rock emporté, des missives comme « The Number” ou “The Magic Hour” n’ont rien à envier à la force de frappe d’un Fugazi. Le titre de la dernière chanson synthétise parfaitement leur art : “Bullet charm”. Tout est dit là-dedans.

– Le site officiel de Pretty Girls Make Graves