La reprise est toujours révélatrice d’un groupe, dépendant de la manière dont il arrive à donner une touche subtile et personnelle à l’ouvrage original. The Czars excelle en la matière.


Un coup d’oeil furtif sur la pochette suffit déjà à ne plus pouvoir, ensuite, en décoller les yeux, dans un élan d’attirance/rejet qu’on ne s’explique guère. A l’instar de cette fille qui tourne de l’oeil, et qui ressemble étrangement à Björk dans Dancing in the dark, la larme flamboyante et le titre qui l’accompagne – Sorry I made you cry – résume parfaitement ce que renferme ce disque atypique. Car on est bien triste que The Czars ne soient plus car leur sobriété admirable nous manque terriblement.

C’est déjà en 1994 que John Grant au chant et Chris Pearson à la basse ont formé le groupe à Denver, d’abord avec des bouts de ficelles, sortant leurs premiers albums avec l’aide de Bob Ferbrache à la production, sur leur label Velveteen Records. Puis sur Bella Union, le label de Simon Raymonde (Cocteau Twins), dont ils pourront s’enorgueillir d’être la première signature américaine. Ensuite, c’est une longue histoire, semée d’embûches et de pas beaucoup de chance ni de reconnaissance. En effet, entre la recherche d’un label aux USA, les albums acclamés par la critique mais ne rencontrant pas de public, les tournées aux côtés des plus grands (Flaming Lips, 16 Horsepower, Calexico ), la rupture de contrat avec Bella Union, les problèmes financiers conséquents et les fins de mois plus que difficiles, c’est pas la joie… et ce qui devait arriver arriva : le clash final à la suite d’un album prémonitoire, Goodbye . Il ne reste ensuite qu’un champ de ruines, comme si leur nom les prédestinait à la même déconfiture que les tsars russes …. En guise de réparation, ou de dommages et intérêts, sort ce recueil de covers, comprenant des Side B issues de 10 ans de bons et loyaux services.

« Black is the colour » nous plonge, avec ses cuivres fuyants, dans une ambiance très David Lynchéenne, rappelant aussi quelque part Lambchop. Le chant, à la Dean Martin et autres crooners du même acabit, nous emmène dans les années 60, celles du tout le monde il est beau tout le monde il est gentil, celles des jours heureux, celles des temps où tout était – encore – possible. « Angel eyes » et ses guitares acoustiques continue sur cette lancée, avant que « Where the boys are » et sa slide guitar nous engouffre carrément dans l’univers rose bonbon de Blue Velvet. « My funny Valentine », sur laquelle John Grant fait des prouesses avec sa voix, séduit de manière étrange avant que l’on verse une larme sur « For Emily ». “Strange”, seul morceau à utiliser exclusivement un synthé, donne une impression de fin de soirée difficile. Sans parler du dernier morceau, “Songs to the siren” (Tim Buckley, This Mortal Coil), qui les a révélé.

Oui, les reprises choisies ici sont toutes à se pâmer et poussent à la réflexion et à la nostalgie. Mais c’est si beau. La voix chaleureuse de John Grant évolue dans un style proche de Stuart A.Staples et de Calexico, du moins dans l’esprit et la démarche, moins dans le timbre. Un disque qui s’écoute religieusement, dans le calme de sa chambrée, un verre de vin à portée de main.

– Le site de The Czars