Trois ans après le sublime « Hello Starling », Josh Ritter revient avec un album moins dense mais plus amer et engagé. Un de ces disques qui ne se donnent pas à la première écoute mais qui se bonifient avec le temps.


Josh Ritter a toujours la plume fine et clairvoyante qui avait contribué à la réussite de ses deux premiers albums (The Golden Age of Radio, 2001, et Hello Starling, 2003). Mais le jeune troubadour folk a mué. Sa voix n’a pas changé, rassurez-vous. Il semble en revanche avoir perdu une certaine innocence. Celle-ci faisait le charme de ses deux premiers opus. Dans The Animal Years, le ton est plus sombre, plus amer et surtout clairement engagé. La guerre que livre son pays en Irak lui a en effet dicté deux chansons magnifiques.

Le titre qui ouvre l’album, “Girl in the War”, a la puissance de ces chansons qui ont marqué l’histoire du rock militant. Une chanson qu’aurait pu écrire Bob Dylan. La voix du chanteur y est à la fois plaintive et angoissée, et les lourds roulements de batterie ne sont pas sans évoquer de lointains coups de canons. Le songwriter y exprime également son désarroi face au mutisme de Dieu en cette période troublée : « But now talking to God is Laurel begging Hardy for a gun / I got a girl in the war man I wonder what it is we done » (« Parler à Dieu de nos jours, c’est comme si Laurel suppliait Hardy de lui donner une arme / Mon amie est partie faire la guerre, je me demande ce qu’on a pu bien faire ».)

Dans “Thin Blue Flame”, autre incantation anti-guerre qui clôt l’album, c’est contre l’instrumentalisation guerrière de Dieu qu’il écrit ces mots rageurs : « It’s a Bible or a bullet they put over your heart / It’s getting harder and harder to tell them apart » (« C’est une Bible ou une balle qu’ils vous mettent dans le coeur / Il est de plus en plus difficile de les distinguer »). Un peu à la façon du “Heroin” des Velvet Underground, ce morceau fleuve (près de dix minutes) monte crescendo sans jamais atteindre d’apogée à base de riffs de guitare. La colère guette, mais reste rentrée, chez le jeune auteur.

Entre ces deux merveilles, Ritter semble chercher son style. Il y ajoute considérablement de couleurs pop qui font souvent penser à Ron Sexsmith. Des effets électroniques ont également fait leur apparition, comme sur le très beau et entraînant “Wolves”. Dans cette évocation du souvenir d’une romance qui se termine, comme dans “Lilian, Egypt”, chanson de cow-boy romantique rythmée par un piano de saloon, il retrouve le ton doux-amer des premiers albums : des histoires qui finissent mal mais restent pleines d’espoir.

Même si les paroles sont toujours ciselées avec attention, certains titres doucereux manquent singulièrement d’entrain comme “One more Mouth” ou “In the Dark”. Heureusement, Josh Ritter retrouve tout son talent lorsqu’il célèbre ses muses : la musique et la nature de sa terre natale. Ode à celle-ci, “Idaho” semble écrite par et pour Gillian Welch, chanteuse folk californienne très respectée et référence absolue pour Ritter. « The only ghost I’m haunted by / I hear her howling down below / Idaho oh Idaho » (« Le seul fantôme qui me hante / Je l’entends se plaindre en bas / Idaho oh Idaho »). C’est à sa guitare qu’il rend hommage dans « Good Man”, un titre inspiré qu’aurait pu interpréter Bruce Springsteeen. Après tout, Joan Baez avait repris “Wings”, l’un des plus beaux morceaux de “Helle Starling”, dans son dernier album (Dark Chords on a Big Guitar, 2003), alors pourquoi pas le Boss ?

– Le site de Josh Ritter sur lequel on peut télécharger en mp3 « Girl in the War » et « Thin Blue Flame »

-D eux autres titres en écoute sur son compte Myspace

En concert le 20 mai au Café de la Danse, à Paris, et le 30 mai, à l’Ancienne Belgique Box, à Bruxelles