La chapelle culte australienne baptise un énième opus nettement plus coloré et direct que les introspections aériennes précédentes. Avec de solides mélodies perçant « à travers la voix lactée », The Church suscite toujours autant le dévouement chez ses fidèles.


Dans les salons coquets où se pavane la haute bourgeoisie rock, il est toujours de bon ton d’encenser la flamboyance de la jeunesse. Pour atteindre le rang ultime de légende, l’histoire d’un groupe de rock se doit d’être éphémère : à l’instar des Smiths, du Velvet Underground ou des Pixies, mieux vaut brûler le temps d’une poignée d’albums que de persévérer et de se vider lentement de toute son âme. Oui mais voilà, ces bonnes pensées sont bousculées par des survivants comme The Fall et The Church, qui depuis presque 30 ans contredisent les lois de la physique rock. Sous pratiquement le même line up qu’à ses débuts en 1980 – à l’exception du batteur et quelques remous dans les années 90 – son mystique leader Steve Kilbey (basse, chant), Marty Wilson-Piper (guitare, chant), Peter Koppes (guitare) et Tim Powles (batterie) ont miraculeusement conservé le magnétisme de leur jeunesse. Et si le terme « endurance » devait trouver une définition dans le dico du rock, nul doute que le nom de ce monument australien y figurerait en lettres d’or.

Depuis leur résurrection en 2001 avec le passionnant After Everything…, The Church a opéré un come-back artistique fracassant. Il est difficile de suivre les innombrables projets parallèles de chaque musicien et autres disques publiés sous l’entité The Church – uniquement disponibles via leur site web. Leur dernier opus en date, El Momento Descuidado (2004), est une relecture acoustique inspirée de leurs classiques, agrémentée d’inédits superbes. Ces dernières sessions quasi « live » ont certainement eu un impact sur Uninvited, Like the Clouds, oeuvre qui parcourt leurs innombrables pérégrinations discographiques. Il faut dire que la diversité ne manque pas chez les prêcheurs rock australiens. Steve Kilbey et sa bande se sont toujours refusés à répéter les même schémas d’un disque à l’autre, jonglant entre Post punk, New wave, Power pop ou encore psyché-prog, au travers de sommets tels que The Blurred Crusade, Hey Day, Starfish, ou encore Priest/Aura.

Signe d’une implication générale, la production déléguée sur les précédents opus par le batteur Tim Powles est cette fois créditée par tous les membres du groupe. Très soigné, Uninvited, Like the Clouds tranche avec l’hermétisme de Forget Yourself et fourmille de trouvailles mélodiques, organiques, alternant entre format pop et d’autres plus délétères. C’est également le grand retour du couple guitaristique Marty Wilson-Piper/ Peter Koppes, dont les géniales harmonies de manches s’étaient, ces derniers temps, un peu diluées au profit de claviers omniprésents. D’un point de vue artistique, c’est aussi leur oeuvre la plus accessible depuis Hologram Of Baal. Et cela se vérifie dès les deux premiers titres : le single “Block” est une embardée rock centrée sur un riff pervers et obsédant, exécutée avec une élégance rare. Une mise en bouche redoutable – il faut dire que rarement The Church a raté ses entrées. Le coup suivant enfonce le clou : “Unified Field” est une petite pépite bubble gum digne de figurer sur le volume IV du prochain coffret Nuggets. Puis progressivement, Uninvited, Like the Clouds installe les climats atmosphériques et expérimentaux de leurs plus récentes productions. Certaines plages dépassent les 6 minutes aisément, mais le penchant épique est généralement éclipsé par leur goût pour l’improvisation et la voix délicieusement hypnotique de Steve Kilbey reste décidément intacte. Quelques formats serrés et plus vigoureux placés stratégiquement donnent une seconde dynamique au disque, notamment “Easy”, hymne à l’amour spontané tel que Steve Kilbey sait si bien en écrire sans virer au mièvre.

“Never Before”, composé par Peter Koppes, est une très belle virée floydienne évoluant vers des tons obscurs. “She’ll Come Back”, signé et chanté par Marty Wilson-Piper, donne dans la redite, agréable mais sans plus. Le disque se conclut sur deux ballades atmosphériques “Day” et “Song To Go…” d’où s’exhalent de superbes harmonies mélancoliques.

Pour un groupe qui frôle la trentaine d’albums (entre 30 et 50 exactement), The Church affiche un bilan de santé radieux. Une telle vigueur relève de l’exploit. Les prêcheurs rock de Sidney aurait-ils signés un pacte avec le diable ?

Nota bene : l’étrange peinture de la couverture montrant le groupe dans une sorte de jardin d’Eden parsemé de fleurs, guitares et autres clins d’oeil pour fans est l’oeuvre de Steve Kilbey. Le mystère se cache peut-être dans cette fresque.

– Lire également notre entretien avec The Church (mai 2004)

– Le site officiel de The Church

– « Block » et « Unified Field » en écoute sur leur pageMyspace