Oui, ils existent encore. Non, ils n’ont jamais été mauvais. Oui, ils sont encore meilleurs maintenant.
Quinze ans après, qu’est le grunge devenu ? Les héros sont soit morts (Layne Staley, Kurt Cobain), soit gênants (Courtney Love, voire Chris Cornell), et en 2006, on en parle uniquement grâce au retour des ancêtres du mouvement Pixies et Dinosaur Jr. Heureusement, les avertis savent que deux groupes majeurs sont toujours en activité. Après l’excellent Under A Billon Suns de Mudhoney sorti récemment, c’est maintenant Pearl Jam qui fait son retour avec un album éponyme.
Enfin, retour, façon de parler : bien que leur précédent album date de 2003, ils ont quand même tourné en 2004 et 2005, et n’ont donc jamais vraiment été absents. De plus, leur légendaire discrétion commerciale (pas de clips, peu de passages radio mis à part les classiques de 1991) fait que beaucoup peuvent penser que le groupe n’existe plus.
Grave erreur, car Pearl Jam n’a jamais sorti un mauvais album. Mieux, Pearl Jam est annoncé comme un retour à leur son classique, ce qui peut sembler étonnant de la part d’un groupe qui ne s’est jamais répété. Mais voyons ça de plus près.
Les cinq premiers morceaux sont tout simplement remarquables. Non, ce n’est pas un retour vers les gros hymnes grunge à la « Alive », mais les guitares cinglantes et les rythmes rapides n’ont plus été aussi efficaces depuis longtemps. « Comatose » lorgne même vers le punk classique à la Dead Kennedys, et pousse la voix d’Eddie Vedder dans de nouveaux retranchements. Typiquement, les paroles énigmatiques évoquent la politique, comme dans « World Wide Suicide » et sont généralement assez moroses, même si l’espoir est toujours présent quelque part.
« Marker In The Sand » va jusqu’à interpeler un dieu, toujours invoqué dans les guerres actuelles, mais qui « is nowhere to be found, conveniently. » On savait Vedder athée, mais sa pensée n’avait jamais été aussi claire. Après un tel début en boulet de canon, la suite se devait d’être un peu plus calme : c’est le cas avec « Parachutes », aux harmonies assez Beatles, et « Unemployable », morceau de rock US classique aux paroles très Springsteen, racontant la misère d’un père de famille mis au chômage.
« Big Wave », emmené par un gros riff, parvient à mêler deux des sujets favoris de Vedder : le surf et l’évolution, mais est le dernier morceau pur rock de l’album. « Gone » et « Army Reserve » sont deux morceaux intenses, aux paroles soignées (« Army Reserve » est en fait coécrit avec Damien Echols, un des West Memphis Three), mais ce sont les deux dernières pistes qui amènent l’album au niveau de classique. « Come Back » est la plus poignante ballade que le groupe ait pu composer depuis « Black », et « Inside Job » sonne plus Pink Floyd que Pearl Jam.
Rien n’est à jeter dans cet album, qui arrive même à surprendre les fans ardents de Pearl Jam, probablement les seuls à rivaliser avec ceux du Grateful Dead en terme de fidélité. Riot Act n’était pas mauvais du tout, mais Pearl Jam est, pour un huitième album, éclatant. Il prouve, comme les innombrables concerts sold-out le montrent depuis longtemps, que Pearl Jam a plus que jamais un rôle à jouer dans le monde musical actuel, et cimente sa place dans le Hall Of Fame du rock mondial.
Le site de West Memphis Three