Adeptes des ballades à la dérive, ce quintet américain se forge sur ce second opus une identité forte en opérant une synthèse de quelques pontes du rock 70’s. Fin et remarquable.


Le buzz s’est répandu comme une traînée de poudre sur la toile : le petit dernier de Midlake serait une pure merveille. Et les médias de tous supports semblent s’accorder sur la chose. A la pinkushion team, on est un peu pris au dépourvu. Admettons que nous n’attendions pas Midlake sur ce terrain-là. Ce quintet américain officiant à Denton (Texas), sympathique mais guère révolutionnaire jusqu’ici, vient de fausser nos pronostics et prendre la poudre d’escampette dans la course aux meilleurs albums de l’année.

C’est Simon Raymonde, le bassiste des Cocteau Twins et fondateur du label Bella Union, qui avait flairé le talent de ces cinq étudiants de la North Texas School of Music et produit leur premier album, Bamnan and Slivercork. Paru en 2004, ce premier essai est un agréable disque de pop psychédélique, lesté par quelques influences encore un peu trop évidentes (Robert Wyatt, Radiohead, Grandaddy).

Nos outsiders de luxe ont visiblement mis les bouchées doubles sur ce second opus. Le délicat chanteur et songwriter Tim Smith a pris du galon, se perd moins dans des territoires abstraits et axe davantage ses compositions sur des lignes de mélodie claire. Le quintet a également gommé les tics indie rock – cette tendance aux claviers cheap – à dessein d’une production plus mûrie. Les teintes acoustiques sont mises en évidence (piano, guitare folk, haut-bois, quelques cordes), procurant ainsi à l’album une coloration plus « seventies ». Sans jamais sombrer dans les morceaux à rallonge inhérents à cette décade, Midlake parvient à doser avec parcimonie ses emprunts : un penchant à la mélancolie docile hérité de Fleetwood Mac, le folk progressif des Strawbs, du Pink Floyd période Meddle et toujours les ballades nébuleuses de Robert Wyatt. Toutes ces douces saveurs, si longtemps enfouies, remontent à la surface. Même la production suit le mouvement sur des titres comme « Branches”, une piano song que Jackson Brown aurait pu composer.

Loin d’être radicalement passéiste, The Trials Of Van Occupanther est bel et bien un disque moderne. Il suffit de poser une écoute sur l’inaugural “Roscoe” (qui laisse déjà couler beaucoup d’encre chez les musicologues), leur morceau de bravoure et véritable labyrinthe émotionnel, pour comprendre que ce groupe s’imprègne du son «vintage» pour remodeler leurs codes de composition contemporains. Seules quelques guitares amplifiées troublent rarement ce caractère faussement serein (“In This Camp”, “Young Bride”). Lors de leurs visites acoustiques, comme sur le mirifique “Bandits”, on pense à Unbelievable Truth, le défunt groupe du frère de… Thom Yorke. C’est peut-être d’ailleurs le seul bémol que l’on tirera de ce disque : le chant louche dangereusement vers un certain Thom Yorke. Sans jamais verser dans le lyrisme exacerbé, Midlake serait alors une sorte de Radiohead qui se serait entiché du matériel conservé lors des sessions de Rumours de Fleetwood Mac. Avouons qu’on a trouvé pire comme affiliation…

Tout au long de ses onze titres, The Trials Of Van Occupanther parvient à conserver avec brio une atmosphère éthérée, cousine lointaine d’un “Street Spirit (Fade Out)” : mélancolie limite hypnotique, toujours au bord du gouffre. Midlake vient de trouver sa voie, une route large et royale, propice à une longue destinée.

– Le site de Midlake

– Quelques titres en écoute sur myspace