Ed Harcourt. Cinquième album déjà. Le meilleur sans doute. Mais pas encore assez pour nous convaincre tout à fait malgré son énorme potentiel.


Ed Harcourt fait partie de ces artistes ultra-prolifiques (cinq albums en 6 ans) – trop peut-être ? – qui mettent un soin de plus en plus pointu à peaufiner leurs créations. Même s’ils font semblant de ne pas trop se tuer à la tâche… Et qui, c’est obligé, font autant de pas en arrière qu’en avant, peut-être pour se rassurer quelque part. C’est ce que semble faire Ed Harcourt ici, et on n’a pas besoin de l’entendre affirmer que The Beautiful Lie se veut être un retour Mapplewood (premier album, au son cheap recherché), car cela s’entend. Cela coule de source serait-on tenté de dire. Il est d’ailleurs retourné, comme pour ce premier album, chez sa mère-grand à Sussex, pour l’enregistrer sur un huit pistes, dans un espace exigu (avec la batterie dans le couloir par exemple). La finition s’est quant à elle faite au Toe Rag studio de Londres (là où les White Stripes ont enregistré Elephant pour trois fois rien – 4000 pounds) qui offre le matériel des sixties.

Pour ceux qui ne connaissent pas très bien Ed Harcourt, rappelons que c’était d’abord le chanteur de Snug, qui, fort d’un bagage trimballant plus de 300 chansons, a décidé de se la faire en solitaire. Son admiration, en vrac, pour Tom Waits, Sparklehorse et Chet Baker ont coloré ses disques, sans jamais atteindre toutefois ses modèles (à part les pochettes peut-être ?).

Comme l’arbore si bien la pochette, les ballades au piano y sont légion. Et on ne s’en plaint pas. On baigne dans des ambiances assez proches de Beth Orton, voire de Matt Ward.

Pourtant, les premiers titres de la galette pourraient nous induire en erreur sur les ambitions du bonhomme. En effet, « Whirlwind in D minor », « Visit the dead dog » (le faiblard single) et « You only call me when you are drunk  » évoquent tantôt Badly drawn Boy, tantôt Supergrass (Road to Rouen). Comme ces derniers, une même disposition à écrire des pop songs joyeuses avec une pointe de spleen. Mais, comme on le disait, ce serait vite le juger, car son aire de jeu préférée c’est bel et bien les chansons tristes, mélancoliques, nostalgiques. Pour forcer le trait, Ed Harcourt n’a pas lésiné sur les moyens : orchestrations léchées, violoncelle, trompette. Le summum est atteint sur « I am the drug », où les arpèges suivent agréablement le rythme et la voix d’Ed Harcourt.

On est frappé par « Revolution in the heart » et « Untill Tomorrow then » et la ressemblance de son timbre de voix avec Bono. Pour persister sur la voix, c’est surtout sur les titres où les aigus montent à l’abordage qu’Ed Harcourt est le plus touchant.

Côté guest list, on trouve Graham Coxon à la guitare, BJ Cole à la pedal steel, Jari Haapalainen et sa femme Gita aux choeurs. Malheureusement, cela semble une malédiction chez lui, et malgré le fait qu’il n’y ait rien à jeter et que le talent soit véritablement présent, le côté dilettante et mature (genre : « je me la joue cool sans forcer ») n’est pas très crédible, et on sent qu’il a voulu faire comme si. C’est vrai, ce disque est le plus mûr de sa discographie, mais il y manque la véritable maturité, celle qui n’a plus besoin de se donner en spectacle. Les paroles sentent pourtant le vécu (« Good friends are hard to find », « You only call me when i’m drunk ») mais il manque un je ne sais quoi. On le répète, il y a de réelles qualités artistiques qui ne demandent qu’à être exploitées. Comme une bonne bouteille en somme, qui nécessite la maturation en cave pour délivrer tous ses atouts. En attendant, elle est agréable au palais. Mais elle pourrait représenter davantage.

– Le site de Ed Harcourt