C’est le coup de coeur pop du moment. Brian Christinzio, plus connu sous le nom de B.C Camplight, est l’auteur d’un lumineux premier album pop baroque, Hide Run Away. Une friandise sensible, confectionnée avec des crédits qui ne suffiraient même pas à payer un clavier sur le dernier album des Flaming Lips. A ne pas manquer, le jeune homme jouera à la Maroquinerie parisienne le 19 juillet prochain.
Avec son physique de quaterback – le grand gaillard frisant les 2 mètres – on sent que s’il vous colle une droite, les murs en carton-pâte du local où nous l’attendons seraient imprégnés de notre meilleur profil. Mais ne pas se fier aux apparences, il suffit d’un sourire pour comprendre que ce bonhomme est la douceur incarnée, de ceux qui ne jurent que par l’innocence de Brian Wilson et les mélodies intemporelles des Zombies. Lorsqu’on lui soumet l’exercice devinette du Blind Test, il ironise d’un sourire sur ces capacités limitées de musicologue. Hormis quelques gentilles étourderies, le bougre se défend pas mal.
Dernière minute : la tournée européenne de B.C. Camplight est annulée et par conséquent la date à paris le 19 juillet.
« Desiree »- Left Banke
(ndlr : impressionné, puis comme secoué par le refrain )
B.C. Camplight : Qu’est-ce que c’est ? Oh ! Ce ne serait pas Odessey & Oracle des Zombies ? Je suis horrible à ce jeu là ! Left Banke… bien sûr ! “Walk Away Renée” est une chanson formidable. J’adore ce genre de musique parce que cela a été assemblé de la même manière que je conçois les choses. Tout a été fait sérieusement, mais ça ne sonne pas vraiment prétentieux. Donner de l’ampleur ou du moins essayer, c’est ce à quoi j’aspire dans le futur. Mais c’est mon premier album… pour le prochain, tous mes amis me disent de ne pas brûler les étapes avec un orchestre si je ne veux pas devenir fou (rires). Je ne sais pas vraiment quelle direction je veux prendre, mais il y a aura certainement un orchestre à cordes, j’adore les cordes. J’aime les chansons arrangées, mais je ne suis pas très fan de ces personnes qui débarquent en studio et se contentent de rajouter quelques cordes sur une chanson. Cela peut-être cool comme job, mais je préfère la façon dont travaille Burt Bacharach, Brian Wilson, Henri Mancini…
« You Still Believe in Me » – Beach Boys
(ndlr : il chantonne l’air) Tu veux me faire pleurer avec cette chanson ? Brian Wilson est certainement l’une des personnes qui m’a obsédé le plus, pour les raisons dont je te parlais précédemment. J’ai presque une dette envers lui. Il y a une chose que je sais sur mon compte, c’est que je suis absolument à chier dans pratiquement tout ce que je fais dans la vie, excepté la musique. Je ne tiens pas à me comparer à Brian Wilson, mais je veux dire qu’à un certain point, Brian a certainement réalisé que sa musique allait le sauver, du moins au début. A travers sa musique, lorsque je vois jusqu’où il a pu aller – même s’il y a laissé le cerveau – c’est tellement beau d’entendre une musique si douce et innocente qui émane de ce grand homme.
Pinkushion : J’ai entendu dire que tu avais été capitaine d’une équipe de foot ?
Oui, j’ai pratiqué le football américain, ainsi que la boxe. Mais je n’étais bon ni à l’un, ni à l’autre. J’étais plutôt bon pour me prendre des points dans la gueule, les autres s’entraînaient sur moi (rires). La musique est la seule chose pour laquelle j’avais une prédisposition naturelle, et qui me rendait heureux.
« Walk on By » – Dionne Warwick
Je sais ce que c’est. Tu es en train de me torturer ! C’est “Walk on By”, mais je ne vois pas qui chante. Je suis en train de perdre à ce jeu ! Attends… c’est une grande gueule. Ce n’est pas Carly Simon… Dionne Warwick ! Bacharach est très talentueux pour écrire et arranger les choses de manière affective. J’aime le fait que ses chorus ne tendent pas à vouloir être énormes, puissants. C’est une bonne chanson.
« Symphonie N°9 » – Ludwing Von Beethoven
J’attends en fait les paroles ! (rires). C’est quelle symphonie ? Pour beaucoup de monde, Beethoven a été le premier palier pour accéder au monde de la musique classique. J’ai pris, plus jeune, des cours de musique classique, mais je n’ai pas étudié un compositeur en particulier. J’ai appris quelques symphonies de certaines personnes comme Bach… ce genre de choses. Mais je ne pense pas que ces cours m’ont particulièrement affecté dans ma musique. J’ai commencé à prendre des cours à l’âge de quatre ans et j’ai 26 ans maintenant. Je n’étais pas un élève très assidu. Je ne lisais pas bien – je suis dyslexique. Je peux lire, mais je ne peux pas écrire. Pourtant, j’adorerais arranger des cordes. J’essaie d’inciter mon éditeur à me filer des Scores de musique de film. J’ai fait quelques petites choses pour des petits films. Mais j’adorerais avoir l’opportunité de le faire pour un film indépendant. Même pas pour l’argent, juste pour le fun.
« I Will See You in For-Off Places » – Morrissey
C’est Morrissey. Je pensais justement que ça sonnait comme quelque chose entre Morrissey et Morrissey ! (rires) C’est le nouvel album ? J’ai vu la pochette promo avec lui posant avec un violon. C’est marrant, tous mes amis vénèrent les Smiths. Personnellement, je suis un peu passé à côté. Lorsque j’étais adolescent, c’était la période grunge, donc je n’ai pas vraiment grandi avec les Smiths. J’ai commencé à les écouter ces dernières années mais à 26 ans, les goûts changent très vite. J’aurais souhaité les découvrir plus jeune.
Les paroles d’“Emily’s Dead to me”, c’est tout de même du pur Morrissey.
Cette chanson a un thème bizarre. C’est très compliqué à expliquer, mais pour résumer, une fille met un terme à notre relation (ce n’est pas nécessairement moi). L’idée qui trotte dans ma tête pour la reconquérir, c’est de tuer le père, comme ça je peux consoler la mère et l’inciter à convaincre sa fille de revenir vers moi. Je ne suis pas sûr que Morrissey aurait agi de la même manière, quoique, peut-être.(rires)
Le thème se rapproche un peu d’une chanson comme « Girlfriend in a Coma »…
Oui, certainement (rires). La plupart des chansons traitent de l’amour. Qu’est-ce qu’il reste après ? La haine, la frustration, le meurtre…
Est-ce que tu te sens inspiré lorsque tu écris des paroles ?
Je ne cherche pas nécessairement à vouloir écrire sur différentes choses. Je cherche plutôt à provoquer des choses qu’on n’attend pas. J’aime le contraste qui s’installe entre une musique douce, innocente et les paroles.
Comment expliques-tu que la plupart des gens au physique dur comme Elliott Smith, Jason Lytle ou Badly Drawn Boy puissent écrire des chansons si douces ?
Et bien… je ne suis pas un mec dur ! Je ne sais pas. Je pense que j’ai eu beaucoup de chagrins sentimentaux, tout le monde en a eu, je suppose. Je n’ai jamais essayé dans ma vie d’être un mec dur. Je suis quelqu’un de pacifiste, je hais la confrontation. Je ne me préocupe pas non plus d’être sensible. J’adore Elliot Smith, mais il est bien plus direct que moi dans ses paroles. Il y a deux ou trois choses dans le disque où je parle de sentiments en général sur moi, des choses qui refont surface, mais c’est tout. L’une d’entre elles évoque ce problème : comment peut-on avoir confiance en moi alors que je suis un menteur? Mais les autres ont leur propre histoire, c’est plutôt envisagé à la manière d’un conteur d’histoire.
« Rear View mirror » – Grandaddy
Est-ce que c’est européen ? ça sonne comme Grandaddy… C’est le nouvel album ? Just like the fambly… quelque chose. The Sophtware Slump fait partie de ces quelques albums modernes qui me rendent nostalgique. Lorsque je l’écoute, il me projette au moment où je l’écoutais en boucle, me renvoie des images de ce que je faisais à l’époque : nager dans un étrange lac, marcher avec cinq de mes amis nus dans les bois au milieu de nulle part, à trois heures du matin. Toutes ces images cool… J’ai réécouté justement The Sophtware Slump récemment, sur le chemin qui me menait à l’aéroport. Cela faisait longtemps… Il y a beaucoup de groupes qui sonnent de façon similaire et que je n’aime pas. Je ne sais pas vraiment pourquoi j’aime ce groupe. Qu’est-ce que tu aimes, toi, chez Grandaddy ?
Et bien… J’aime beaucoup le son des premiers albums : ces claviers cheap et en même temps cette manière de vouloir faire sonner les chansons de façon très ambitieuse et mélodique. Lytle ne craint pas d’écrire des chansons épiques. Peu de musiciens arrivent à atteindre cet équilibre sans sonner pompier.
Oh oui, je suis d’accord. Peut-être même que je sais maintenant pourquoi j’aime ce groupe (rires). Et aussi, ce sont des chansons ambitieuses, mais il y a toujours des mélodies. Pour moi, écrire une pop song est une des choses les plus dures qui soient. J’ai déjà eu cette conversation au sujet de l’avant-garde et des musiques expérimentales – non pas que je fustige cette approche musicale. Place une personne ordinaire dans une pièce avec quelques instruments : tu verras qu’il est nettement plus facile d’enregistrer un disque noisy que de composer des popsongs. Ecrire une mélodie est une chose difficile qui ne s’improvise pas.
“The Celibate Life” – The Shins
Je connais ça, donne moi une seconde. The Shins. Tout comme Brian Wilson, il fait partie de cette école de musiciens qui allie les mélodies avec des arrangements très originaux. Quelqu’un comme John Lennon était très bon pour écrire des mélodies mémorables avec seulement quatre ou cinq notes. (Il chantonne…). Les Shins sont parvenus à avoir du succès tout en restant fidèles à leur musique. Je n’ai jamais entendu quelqu’un dire du mal des Shins, ils sont supers.
The Zombies – Emily
(ndlr : Il essaie de regarder le nom de la chanson sur mon lecteur MP3). Ouhla, j’ai un trou. Les Zombies, c’est sur Odessey & Oracle, mais je ne vois plus laquelle. Les Zombies utilisent le même genre de production que The Left Banke. Qu’est-ce qui peut bien me gêner sur ce groupe ? Parfois, j’emploie la même technique qu’ils utilisent : je colle quelques mots faciles sur la mélodie. C’est un peu trop évident parfois, du style « Emily, can’t you see ? ». Mais leur musique est quand même fantastique.
Peux-tu enfin me donner tes cinq albums favoris ?
Je pourrais jouer le jeu et te filer les cinq disques les plus cool de la terre, mais je vais plutôt laisser parler mon coeur.
Pet Sounds et Smile – Beach Boys
Rubber Soul – Beatles
Probablement Odessey & Oracle – The Zombies
Something/Anything ? – Todd Rundgren –
B.C Camplight jouera à la Maroquinerie parisienne le 19 juillet prochain