La meilleure (?) surprise de l’année nous arrive – encore une fois – de Suède. Ce disque fait l’effet d’une véritable bombe à quiconque y prête une oreille, évoquant une sorte de Gorillaz du rock.


Etonnant, tout de même, cette capacité qu’a la Suède d’offrir depuis quelques années des groupes apportant réellement un vent nouveau au rock, voire d’en écrire son futur. The Knife, José Gonzalez, et ce nom hybride et a priori point vendeur de Peter Bjorn and John. Mais n’est-ce pas là une belle façon de faire un petit pied de nez aux us et coutumes en vigueur dans le milieu ? Car à part une rencontre entre trois potes au détour d’un pub, ce nom n’évoque absolument rien, s’il n’y avait ce Bjorn ne venant réveiller de lointains souvenirs d’un certain Borg… La pochette, qui met bien en ambivalence la tristesse qu’elle dépeint avec la beauté lumineuse du dessin, reflète bien le disque.

Troisième disque déjà pour cette formation, qui avec ses précédents opus (un disque éponyme en 2002 et Falling out en 2004) a déjà écopé de critiques très élogieuses. On parie (tout comme le label qui les lance à présent mondialement) sur leur succès plus que mérité. Le titre de l’album est évocateur du fait que tous trois se sont impliqués dans l’écriture des morceaux. Dans le chant aussi.

Le titre éponyme qui ouvre la galette est aussi bref que surprenant. Il s’apparente en cela à la clôture de l’album.

“Objects of my affection” tente directement de nous amadouer en nous injectant un noisy rock à la My Bloody Valentine (dieu que ces gars seraient riches s’ils touchaient des royalties à chaque fois qu’on cite leur nom…). Les paroles n’y vont pas par quatre chemins et touchent directement par leur franchise. «I laugh more often now, I cry more often now, I am more me».

Comme les briques qui illustrent le dos du disque, les titres s’imbriquent les uns dans les autres, offrant une lecture nouvelle du passé du rock briton essentiellement (Beatles, punk, madchester), américain accessoirement (Beach Boys) . On serait tenté de les comparer à Gorillaz, tant la nouveauté est flagrante, mais ne tient pourtant qu’à la maîtrise de savoir mélanger des ingrédients ne l’ayant jamais été auparavant. « Young Folks », le premier titre comportant un sifflotement ludique (marque de fabrique du trio), sa basse lancinante, ses petits tambourins et son chant à double tête (la chanteuse n’est autre que la meneuse Viktoria Bergsman des Concretes, et c’est Daniel Varjo du même groupe qui a écrit leur bio), retrace les étincelles des amours de notre jeunesse, et nous ramène quelques années en arrière, mêlant nostalgie et amusement. Comme si cela ne suffisait pas à nous faire chavirer, voilà qu' »Amsterdam », dont tout, absolument tout (jusqu’à la progression musicale et les paroles), colle au trip amené par la drogue (« so slow, s o s l o w »), ramène ce sifflotement original qui évoque le « Clint Eastwood » de la bande de Damon Albarn. En parlant de drogue (et de ses effets), « Start to smelt » aurait bien pu figurer sur la bande sonore du parfait pété. Pas étonnant qu’ils portent aux nues les Spacemen 3 tiens. On jurerait pourtant sur sa mère que ces trois gaillards aux noms si gentillets ne touchent probablement pas – plus – à « ça »…

Des sérénades, aux mélodies à se pâmer, comme « Paris 2004 » ou « Roll the credits » (dont la tension est palpable mais jamais n’explose), démontrent aussi la force lyrique et rythmique du trio, et rappellent leurs compatriotes de The Radio Dept . A ce propos, « The Chills » (seul titre écrit à trois) évolue dans les deux registres, et se permet, en plein milieu d’une cadence très entraînante et inattendue de lâcher les amarres et de faire des trêves en adéquation avec les paroles.

Le chant (des trois) est constamment calqué – décalqué – sur n’importe quel groupe bien briton, avec l’accent bien marqué et limite désabusé. Mais bon dieu qu’est-ce qu’on prend son pied à l’écoute de ce disque ! On en revient tout simplement pas. On en fait profiter un ami, puis deux, puis trois : « mais c’est incroyable ! » disent-ils tous en choeur. On ne s’est pas trompé : ce disque est prodigieux, magique, ensorcelé. Les mots manquent pour décrire les émotions qui traversent l’auditeur. Résumons par le mot « joie ». Au regard de « Let’s call it off » qui évoque la guillerette époque des Beatles for sale.

– Le site de Peter Bjorn and John