Si elle ne fut pas exempte d’erreurs de jeunesse (et bizarrement pas celles qu’on attendait), cette première édition de ce festival belge a plus que convaincu et on espère déjà de tout coeur une deuxième édition.
Après les prologues politiques à l’occasion des comptes-rendus du festival Domino et des Nuits Botanique, il est grand temps de vous parler de la morphologie du territoire Belge.
La Belgique est divisée en 10 provinces. La Belgique étant le pays des festivals, presque chaque province possède au moins un festival d’envergure. Jusqu’il y a peu, les provinces du Brabant Wallon et de Liège étaient épargnées par le phénomène. L’année dernière, une bande d’organisateurs un peu fous a décidé de changer la donne et a mis sur pied le festival Octopus dans le Brabant Wallon. Cette année, c’est au tour de Liège où la première édition du festival Les Ardentes s’est tenue ce week-end dans le joli cadre du Parc Astrid.
Disons-le tout de suite, Les Ardentes a tout pour devenir une grande manifestation. Le site du festival est d’ores et déjà un des plus agréables du pays et contrairement à la plupart de ses confrères francophones, il a l’intelligence de ne pas reposer sa programmation sur des groupes issus du vivier des nouvelles stars du rock francophone belge. Il faut savoir que depuis le succès international des Girls In Hawaii et Ghinzu, les jeunes groupes poussent comme des champignons. Si en Belgique francophone, ces jeunes pousses jouissent d’une certaine notoriété, il faut avouer que la plupart d’entre elles n’ont pas le niveau pour s’exporter hors des frontières de la communauté française. Ce filon risque de rapidement s’épuiser et n’est pas gage d’avenir. Les organisateurs des Ardentes semblent l’avoir bien compris et si l’affiche comprenait certaines de ces nouvelles stars, elle faisait surtout la part belle à des groupes de carrure internationale.
Samedi 8/07
Signalons que la nuit précédente était rythmée par quelques beaux noms de la scène électronique. Excusez vos serviteurs, mais l’idée de faire 1h30 de route à 4h du matin pour rentrer chez eux ne les excitant pas trop, nous avons préféré faire l’impasse. Certes, nous aurions pu profiter du camping du festival, mais là aussi, nous croyons que nous avons passé l’âge pour passer des nuits au milieu de festivaliers.
On arrive bien trop en retard pour voir My Litte Cheap Dictaphone que nous avions interviewé dans nos colonnes, mais juste à temps pour regarder ces vieux briscards de The Young Gods sur la grande scène. Ils ont beau compter plus de 20 ans de carrière, la recette fait toujours mouche. Le groupe use toujours de cette formule éprouvée du trio batterie-guitare/voix-claviers/samplers délivrant un électo-rock tantôt ambiant tantôt industriel qui en a influencé plus d’un. Franz Treichler est très remuant et déclame toujours ses textes sonnant comme des cadavres exquis. Le set se clôt 40 minutes plus tard par les désormais classiques « T.V. Sky » et « Kissing The Sun ».
La grande scène est édifiée dans le Parc Astrid qui jouxte le Hall des Foires de Liège. Le cadre boisé du Parc Astrid est enchanteur et fait passer les sites des festivals concurrents pour des sinistres champs de pommes de terre. Les spectateurs ne résistent pas à la tentation de s’affaler dans l’ombre des arbres pour suivre la prestation des groupes au loin sur le grand écran placé à droite de la scène. Quand on vous dit que ce festival a tout d’un grand…
Après la prestation des Young Gods, on foule les pavés de l’allée qui mène à une des grandes entrées du Hall des Foires dans lequel est montée la deuxième scène où se produit Nervous Cabaret. Cette allée met votre odorat à rude épreuve, car c’est là que les différentes échoppes permettant de vous sustenter se trouvent.
Les deux scènes fonctionnent en alternance et hélas, à la minute près. Impossible de voir le début d’un concert sans rater le début de l’autre ou inversement.
Nervous Cabaret est une bonne surprise. Derrière ce nom prometteur se cache une bande de barges pratiquant une musique reposant sur un chanteur-guitariste, un bassiste, deux batteries tribales et deux cuivres. C’est bigarré à souhait et hésite toujours entre ambiances festives et viscérales. En tout cas, cette musique de tripot enfumé est plus que percutante.
En matière de musique viscérale, Sa Majesté David Eugène Edwards n’a de leçons à recevoir de personnes. Le leader des défunts et mythique 16 Horsepower monte sur la grande scène deux heures plus tard avec Woven Hand, le projet qui l’occupe depuis quelques années. Si la musique de Woven Hand est emprunte de plus de mysticisme que celle de 16 Horsepower, les fondements arides et crépusculaires sont les mêmes. Comme à l’accoutumée, David Eugène Edwards hypnotise. Impossible de trouver plus habité et possédé par ses chansons que lui. Il fait partie de ces rares artistes qu’il est indispensable d’avoir vus sur scène au moins une fois dans sa vie. Si Woven Hand a tendance sur album à se perdre trop souvent dans ses ambiances mystiques, sur scène, il rectifie le tir et balance une prestation électrique qui laisse même peu de place au mythique banjo, synonyme de David Eugène Edwards. Si on peut lui reprocher son manque de relief, la prestation est tellement fulgurante qu’elle sonne comme une bonne claque.
Loin des préoccupations torturées de Woven Hand, The Herbaliser suit sur la deuxième scène. Son hip-hop métissé alliant jazz, influences sixties et seventies est toujours aussi efficace et est toujours victime d’un relatif insuccès qui nous fait dire que si ses leaders étaient plus photogéniques, ils auraient décroché la timbale depuis longtemps. Hélas, la tête de Lemi de DJ Oli Teeba nous fait dire que ce n’est pas gagné d’avance.
Cette prestation confirme que la deuxième scène est un cauchemar pour les tympans. Le physique de The Herbaliser n’a rien à voir là-dedans. Il ne fallait pas être une lumière pour se douter qu’un grand Hall d’exposition ne revêt pas d’une acoustique idéale. C’est un des gros bémols du festival et on espère que s’il y a une deuxième édition, les organisateurs trouveront un meilleur endroit pour placer cette deuxième scène.
Une heure après la prestation de Sa Majesté David Eugène Edwards, la grande scène accueille l’Empereur Stef Kamil Carlens et son groupe Zita Swoon. C’est très simple : Zita Swoon est un des meilleurs groupes sur scène à l’heure actuelle. Flamboyant et haut en couleur, Stef Kamil Carlens apparaît de plus en plus comme la réincarnation de Ziggy Stardust, se démènant et nous délivrant un rock majestueux touché par la grâce. Il est indéniable qu’un déclic s’est opéré lors de la tournée qui a suivi Life = A Sexy Sanctuary où le groupe tournait avec un fabuleux show disco absolument irrésistible. Depuis lors, Zita Swoon est devenu une véritable machine de guerre sur scène.
Dimanche 9/07
On arrive à nouveau trop en retard pour assister au concert de Montevideo, une de ces nouvelles stars francophones belges qui suscite pas mal d’engouement et de railleries.
Le festival accueille aujourd’hui Indochine et visiblement, une grosse partie des spectateurs venait uniquement pour Nicola Sirkis et sa bande. L’entrée du festival donne droit un spectacle surréaliste qui donne l’impression que Les Ardentes veut jouer dans la cour des trop grands. Les spectateurs sont sujets à une fouille minutieuse et nombreux objets sont confisqués. Certains gardes n’hésitent pas à subtiliser certains paquets d’herbe. Si on rajoute à cela que les toilettes sont payantes et que la bière est à 2 euros, on se dit que ce n’est pas comme cela que les organisateurs vont motiver le festivalier des temps modernes à revenir pour les prochaines éditions. A ce niveau-là, c’est plus que corriger le tir qu’ils devront faire l’année prochaine.
Notre interview prévue avec Dominique A tombant à l’eau, on s’affale sur la pelouse pour manger notre pique-nique et regardons au loin Kill The Young. Ces jeunes anglais ont bien étudié le petit Nirvana illustré et le chanteur se tient comme Kurt Cobain. L’histoire de ne dit pas encore s’il se suicidera à 27 ans. Affaire à suivre…
Venus suit sur la deuxième scène et se voit ainsi honorer du titre très envié de « groupe qu’on aura vu le plus de fois cette année ». C’est chaque fois le fruit du hasard, mais ils ont le grand mérite de nous avoir à force presque convaincu. Entre son set miné par le tract lors d’un showcase en avril dernier et ce concert, il y a un énorme progrès. Venus est maintenant à l’aise et Marc Huygens, son chanteur, fait tomber son habituel masque d’artiste maudit et s’amuse à narguer le public liégeois en faisant quelques références à Anderlecht (pour le lecteur français, sachez que le Standard de Liège et Anderlecht sont les ennemis jurés du championnat de football belge). Reste que la musique de Venus devant beaucoup à 16 Horsepower, pour avoir vu David Eugène Edwards la veille, on ne peut s’empêcher de penser qu’elle restera toujours un cran en dessous.
Un peu près une heure plus tard, c’est Dominique A qui occupe cette deuxième scène. Dominique A reste un des rares artistes qui ne lassera jamais sur scène, chaque tournée (si pas chaque concert) étant l’occasion pour lui de donner une autre tonalité à son répertoire. Pour cette tournée, il semble évident qu’il cherche à donner une couleur plus post-rock. Certains passages de L’horizon, son dernier album, laissaient déjà entendre cette orientation. Les guitares se font souvent aériennes et se superposent sur nappes de cuivres. On pense parfois aux canadiens de Do Make Say Think. L’exercice est nettement mieux maîtrisé que lors de son passage aux dernières Nuits Botanique et comme précédemment, le moment fort du set est son interprétation rageuse d' »Antonia ».
Toujours une heure plus tard et toujours sur la même scène, CocoRosie déçoit. Depuis qu’elles tournent pour promouvoir Noah’s Ark, les soeurs Cassidy ont désarçonné plus d’un spectateur en s’effaçant au profit d’un show que certains qualifieront peut-être de poétique, mais qui, au final, donne plus l’impression d’être le fruit d’une troupe de théâtre amateur sans idées. On espérait qu’un set court dans un festival les obligent à cadrer leurs efforts. Les premières minutes laissent penser que ce sera le cas et rappellent les débuts où les soeurs évoluaient seules avec la human beatbox. L’excentrique bassiste joue très effacée. La batteuse est invisible. Les soeurs Cassidy sont à nouveau le centre du spectacle. Hélas, CocoRosie ne parvient pas à insuffler un rythme. Le set s’évente très rapidement. Il y a plus de temps morts que de morceaux. CocoRosie fait comme si de rien n’était et semble se moquer de son public. C’est arrogant. On quitte le hall énervé.
Après CocoRosie, c’est Nada Surf qui enchaîne sur la grande scène. Les américains sont généreux et jouent leur tube « Popular » d’entrée de jeu permettant ainsi aux footeux de se ruer dans le hall où est diffusée la première mi-temps de la finale que tout le monde attendait. La suite du match et son coup de tête d’anthologie sont diffusées sur le grand écran jouxtant la grande scène, les hollandais de The Nits ayant entre-temps pris procession de la deuxième scène. Ils seront les autres grands perdants de la soirée, car la majeure partie du public préférera camper devant la grande scène pour regarder le foot et attendre Indochine. L’ambiance devant la grande scène est principalement pro-italienne. Le public belge a ses raisons que la bienséance nous interdit d’expliquer. C’est donc sous un tonnerre d’applaudissements que Zizou reçoit son carton rouge.
Une heure et demie plus tard, l’Italie est championne du monde et Indochine entre en scène. Le public est conquis d’avance et Nicola Sirkis et sa bande n’ont rien à faire pour convaincre.
Indochine nous fait penser à un rapport d’inactivité qu’a écrit Dominique A et que nous avions lu pour préparer cette interview qui n’a jamais eu lieu. Dominique A y parlait d’un spécialiste hard dans Best, défunt (concurrent du Rock’n folk] de la grande époque), qui allait jusqu’à trouver des qualités à des groupes de hard français comme Vulcain ou Warning, risibles plagiaires d’AC/DC et d’Iron Maiden, dans la langue de Molière. Indochine est un peu çà. Dans les années 80, c’était un risible plagiaire de The Cure. Dans les années 90, c’était un risible plagiaire de Blur et Placebo. Aujourd’hui, si Nicola Sirkis arbore à nouveau une coupe à la Robert Smith, Indochine semble surtout être un risible plagiaire de Nine Inch Nails qui aurait écouté trop de Muse, Placebo et consorts. C’est pathétique et il peut remercier que son public soit suffisamment inculte pour ne pas déceler la supercherie. Gloire à toi, Nicola !
– Le site du festival Les Ardentes
– Lire la chronique de Nervous Cabaret
– Lire la chronique de Take London de The Herbaliser.
– Lire la chronique Camera Concert/A band in a box de Zita Swoon
– Lire la chronique de The Red Room de Venus
– Lire la chronique de L’Horizon de Dominique – Lire la chronique de Noah’s Ark de CocoRosie
– Lire la chronique de This Weight Is A Gift de Nada Surf