Prolifique songwriter capable d’essouffler Robert Pollard sur son propre terrain, ce canadien torche une pop lo-fi tous azimuts, capable d’éclairs fulgurants.
Un peu écarté du tumulte du rock montréalais (The Funeral connection…), Chad VanGaalen de Calgary n’en est pas moins, à 24 ans, un outsider de luxe, l’alternative à surveiller de très près. Certes, nous n’avons pas à la Pinkushion Team l’attirail technologique d’espionnage de la NSA pour suivre à la trace nos proies (« The Skelliconnection » donc), on préfère de toute manière se fier à nos branches satellites ultra sensitives (nos oreilles quoi) et ce bon vieux flair. C’est Sub Pop qui nous a toutefois mâché le travail et débusqué cette perle rare. Agence prestigieuse spécialisée dans la chasse aux nouveaux talents, Sub Pop s’est cette année déjà distingué en signant la fantastique chevauchée pop de Band Of Horses.
Le légendaire label des Pernice Brothers (oui, ça change de Nirvana) s’est entiché de quelques démos du jeune illustrateur (son premier job) qui n’auraient jamais dû dépasser le cercle de ses intimes – la fuite provient sans doute de ce même cercle. Révélé en 2005, Infiniheart est un premier jet au cachet certain. Un Best of en quelque sorte puisé parmi ses dizaines d’ébauches « définitives » cachées jusqu’alors dans une malle sous un lit – à l’instar Iron & Wine – et publié illico sans retouches studio. Un disque au final décousu mais non dépourvu d’hospitalité, qui se démarque par ce sens inné de l’accueil qui nous fera toujours préférer les chaleureuses chambres d’hôtes aux palaces de marbre.
Après cette reconnaissance, la machine VanGaalen a continué de s’emballer – comme si dépourvue de bouton « Arrêt » – produisant inlassablement des kilomètres de bande sonores tarabiscotées. Un an après Infiniheart, c’est en toute logique qu’il nous sort de son chapeau 15 nouvelles chansons que l’on considèrera comme son premier véritable album. Les moyens techniques sont logiquement revus à la hausse, mais VanGaalen n’a pas pour autant voulu se débarrasser de ses méthodes de travail exiguës et de cette ambiance de chantier permanent qui prédominait sur Infiniheart. Les deux disques se valent en terme de contenu. Certes, on aurait apprécié à l’instar d’un Joseph Arthur – avec lequel VanGaalen possède incontestablement quelques points communs – une ligne directrice commune ou un passage furtif au centre de triage, histoire de démêler quelques noeuds. Mais peut-être y aurions-nous perdu dans ce cas là en vibration.
Doté d’un tremolo de voix particulier, celui-ci fait des merveilles sur ces progressions d’accords bariolées, sans cesse embarquées dans des variations d’arrangements impondérables : le banjo roots de “Wing Finger”, le délire somnambule de “Gubbish”, ou le radical “Red Hot Drops” qui nage dans un étang electro folk lounge pas très propre. Et pourtant derrière ce manque d’évidence, Chad VanGaalen parvient à généralement en tirer une ligne mélodique cristalline de toute beauté.
Toujours pas réconcilié avec l’indie rock explosif, il revient à la charge avec “Flower Gardens”, une petite bombe à retardement électrique que n’aurait pas renié « Magic » Dwight Twilley, ou encore l’incendiaire “Burn To Ash”. Egalement fin mélodiste accompagné d’une guitare folk, il nous livre au milieu de ces expérimentations pas sérieuses quelques délicatesses tel l’Elliott Smith en diable “Sing Me To Sleep”. Pas vraiment déterminé à vampiriser sur un style particulier, “Dead Ends” laisse échapper quelques odeurs d’Americana, une chanson de Loner dotée d’une grandiloquence inattendue.
Au regard de cet immense barda, voilà un artiste dont on sait qu’il ne changera pas la face de la musique, mais auquel on aimera revenir régulièrement. Un peu comme ce jean informe et troué que l’on se trimballe depuis le lycée et qui fait tant honte à votre copine mais dans lequel on se sent tellement bien.
-Lire également notre chronique d’Infiniheart
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