Il est des groupes qui réussisent à incarner ce paradoxe d’être à la fois une formation culte et un groupe parfaitement inconnu du grand public. Felt est un de ceux-là, et sa notoriété a été inversement proportionnelle à sa prolifique discographie. Certes, Felt a connu son heure de gloire, grâce à quelques albums relativement accessibles et plusieurs singles fugitivement en haut des charts ; mais qu’en reste-t-il de nos jours ? Une référence plus ou moins affirmée pour quelques formations actuelles – de Belle and Sebatian à The Tyde, qui en a fièrement repris le flambeau – et un groupe qui reste entouré de mystère, plus de 15 ans après sa dissolution.

En 1980, un jeune adolescent romantique – avec tout ce que cela implique : références littéraires pointues, solitude assumée, etc. – décide de fonder un groupe avec trois camarades : Nick Gilbert (basse), Gary Ainge (batterie) et Maurice Deebank (guitare). Lawrence – qui préfère qu’on omette volontairement son nom de famille, il sera « Lawrence de Felt » – s’approprie un nom tout droit inspiré d’un titre phare de Television. «Felt», tout comme le clamait Tom Verlaine dans cette ode aux sensations qu’est “Venus”, sur fond de guitares infiniment habiles, évocant tantôt l’électricité du rock, tantôt la chaleur des cuivres. Le single inaugural de Felt – “Index ” – semble avoir retenu la leçon donnée par ces guitares plastiques, et se présente comme un court manifeste de 2:10 min où une guitare saturée veut probablement voler la vedette au “Sister Ray” du Velvet Underground. Un premier jet qui ne laisse en rien présager de la grande qualité mélodique des albums qui suivront!
En fait, l’aventure Felt commence vraiment avec “Something Sends Me To Sleep” : la saturation a laissé place à des accords plus lumineux et Lawrence révèle ce qui fera sa marque de fabrique : un parlé-chanté tout en ondulations, inimitable.

Voici une sélection d’albums d’un groupe qui a su explorer – sinon initier – divers styles musicaux, de la pop mélancolique (les années Cherry Red), à l’ambient (Train Above The City).

<I>The Splendour Of Fear</I> (1984) » align= »left » /><em>The splendour of fear</em> utilise la formule déjà à l’oeuvre dans <em>Crumbling the antiseptic beauty</em>, premier véritable album du groupe. Felt y avait en effet esquissé des atmosphères nostalgiques et visionnaires à la fois, <em>via</em> une lead-guitar matinée de reverb à la manière de son contemporain <strong>The Durutti Column</strong>. <em>The Splendour Of Fear</em> est un album plus recherché, au tempo plus lent, comme l’annonce l’ouverture grandiose de “Red indians”. Il dévoile une production léchée, à même de donner à ses compositions l’ampleur à laquelle elles aspirent. Il laisse également la part belle aux instrumentaux propices à la rêverie (“A Preacher In New England”, “The World Is As Soft As Lace”, “The Optimist And The Poet”). Parfois, Lawrence pose sa voix aléatoire sur certains titres (la fin de “Red Indians” et l’oppressant “The Stagnant Pool”). Mais les meilleurs moments doivent beaucoup à cette guitare aérienne, qui à elle seule, porte l’identité de Felt. <em>The Splendour Of Fear</em> est comme une porte ouverte sur l’univers onirique du duo déjà emblématique Lawrence/ Maurice Deebank. </p>
<p><img src=Cherry red, jeune label qui a su en déceler le potentiel : des années marquées par la prédominance de guitares cristallines ou réverbérées.
A partir de 1985, Felt signe chez Creation, écurie indépendante en plein essort durant le milieu des années 80 : les productions deviennent plus accessibles, et le clavier exubérant de Martin Duffy prend la place des guitares mélancoliques de Maurice Deebank. Seul Me and the monkey on the moon échappe à cette classification : le dixième album de Felt sortira chez El, division de Cherry red. La boucle est bouclée.

Réédition de Crumbling The Antiseptic Beauty / The Splendour Of FearLes albums sont réédités par deux, avec un visuel très sobre : code barre sur fond gris pour la période Cherry Red, sur fond blanc pour la période Creation. La réédition des albums avec leur pochette originale a débuté en 2003 et s’est achevée en mai 2006 avec Gold Mine Trash.

Crumbling The Antiseptic Beauty (1982)

The Splendour Of Fear (1984)

The Strange Idols Pattern And Other Short Stories (1985)

Ignite The Seven Cannons (1985)

Let The Snakes Crinkle Their Heads To Death (1986)

Forever Breathes The Lonely World (1986)

Poem Of The River (1987)

Gold Mine Trash (1987, Compilation rétrospective)

The Pictorial Jackson Review (1988)

Train Above The City (1988)

Me And A Monkey On The Moon (1989)

– Felt sur Myspace

– La discographie complète sur Felt, A Tribute